Juré n°2
6.7
Juré n°2

Film de Clint Eastwood (2024)

Trois ans après la sortie du très mitigé, pour ne pas dire médiocre, « Cry Macho », l'inusable Clint Eastwood, 94 ans au compteur, revient pour un énième probable dernier film - même si rien n'est moins sûr le concernant - avec le drame judiciaire « Juré n°2 ». Comme à son habitude, le vieux Cowboy s’intéresse aux oubliés de l’Amérique, ces gens lambda dont on ne parle quasiment jamais.

On peut en dire autant de son casting composé d’acteurs, certes excellents, mais plus habitués aux seconds rôles qu’aux têtes d’affiche. On retrouve ainsi au cœur des débats Nicholas Hoult, entouré entre autres de Toni Collette et de l’oscarisé J.K. Simmons.

Un dernier projet pour le cinéaste que l’on espère de meilleure facture que les précédents pour une sortie digne de sa légende, par la grande porte.

Cela faisait cinq ans et le succès, un peu inattendu, remporté par « Le cas Richard Jewell » que l’on attendait un Easwood digne de ce nom, car il faut bien avouer que les derniers essais du maître n’étaient pas vraiment de franches réussites, entre « Le 15h17 pour Paris », « La Mule » et « Cry Macho ».

Mettons directement fin au suspense, ce « Juré n°2 » est l’une des plus belles réussite du cinéaste depuis « Invictus » en 2010 et prouve qu’il en a encore sous la pédale malgré le poids des années. Il signe une œuvre d’une habileté déconcertante, un drame judiciaire bouleversant qui tient en haleine de la première à la dernière scène. Le film d'Eastwood nous plonge sans retenue au cœur d’un procès pour meurtre dont le dénouement ne semble pas faire de doute tant la culpabilité du prévenu parait évidente. C’était sans compter sur la présence parmi les jurés d’un témoin privilégié…

A travers celui-ci, incarné de façon admirable par le trop sous-estimé Nicholas Hoult, le film nous interroge sur notre propre moralité. Lorsque la vie d’un homme est en jeu mais que la vérité risque de détruire notre vie et celle de notre famille, qu’est-ce qu’on ferait à sa place ? Où se situe la frontière entre le bien et le mal ? Mieux vaut-il enfermer un homme mauvais, violent mais innocent ou un homme bon mais coupable involontaire ? C’est tout le dilemme auquel le spectateur est confronté devant le film.

Le scénario tortueux de Jonathan Abrams s'assure de laisser des zones d’ombres dans les événements afin de semer le trouble dans nos esprits. Il y en a suffisamment pour laisser planer un doute raisonnable sur l'identité du meurtrier. Les arguments moraux portent moins sur le meurtre et les moments qui l'ont précédé que sur ce que sait le juré de cette nuit-là et ce qu’il va en faire : se protéger ou laver le nom d'un homme potentiellement innocent. Hoult joue un personnage suffisamment nuancés pour que l’on puisse avoir de l’empathie à son égard mais sans jamais être totalement de son côté. Grâce à une série de flash-back opportuns « Juré n°2 » parvient à faire monter la tension crescendo jusqu’au dénouement, tandis que l'étau se resserre de plus en plus autour du protagoniste.

Dans la lignée du grand classique « 12 hommes en colère » de Sidney Lumet, le film nous questionne également sur l’efficacité et les limites d’une justice parfois expéditive, notamment à travers certains jurés qui sont près à condamner un homme sans même prendre le temps de délibérer, uniquement afin de retourner au plus vite auprès de leur famille.

Que ce soit entre les parties civiles ou entre les jurés – dont les points de vue diffèrent sensiblement – les débats sont eux parfaitement rodés. L’interprétation des acteurs n’est pas étrangère à cela, comme à son habitude, J.K. Simons – le prof tyrannique de « Whiplash » – se révèle excellent en ancien flic un peu trop zélé, tout comme Toni Collette, magistrale en procureure ambitieuse et intransigeante.

S'il faut trouver des points faibles à ce « Juré n°2 », c'est du côté de la réalisation un peu trop consensuelle qu'il faut chercher, le long-métrage est assez classique dans sa mise en scène et ne comporte aucune prise de risque. Le film ressemble à beaucoup d'autres films de procès, que ce soit au niveau des cadrages ou des lumières. Mais ces quelques défauts ne sont pas rédhibitoires et n'entament en rien la qualité globale du film.

« Juré n°2 » s'avère assez captivant par son sujet et la façon dont il l’aborde, Clint Eastwood parvient à tirer le meilleur du scénario qu'il adapte en y insufflant une tension palpable dès les premières minutes et qui monte crescendo au fil du récit.

Il signe un films dans la lignée des plus grands drames judiciaires qui ont jalonné l'histoire du cinéma et l'un des films les plus aboutis de son immense carrière de réalisateur. Un film de procès d'excellentes factures avec tout ce que cela comporte d'ambiguïté, de réflexion et de doute.

Bien qu’il subsiste quelque imperfections, celles-ci n’ont aucune incidence sur le plaisir procuré par le visionnage de « Juré n°2 ». Si celui-ci s'avère bel et bien être le dernier film de son auteur, le vieux Cowboy peut s'en aller l'esprit tranquille vers le soleil couchant…

Captain-Cape
8
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le 6 nov. 2024

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