A ce train-là, je vais bientôt devenir aussi drôle qu’Alain Juppé, comme personne, parce que c’est la deuxième fois cette semaine qu’une comédie trouve grâce à mes yeux, après la série Sous contrôle. C’est d’Espagne que vient le salut, cette fois, avec une « romcom » à l’américaine, légère et sans prétention, un peu comme un cava, quoi. Ça commence, comme souvent, dans un mariage, ces grand-messes des réflexions métaphysiques sur la solitude. Au bord de la luxation de l’hypophyse, un trentenaire s’apprête à plier les gaules quand la jolie « wedding planner » brune qui a attiré son attention entre comme une tornade dans son existence, grâce à un cadavre facétieux. Le carambolage a lieu, évidemment, et entraîne toute une série de péripéties tirées par les cheveux mais pas si mal amenées. On se demande même comment on a pu rendre quasiment vraisemblables des situations aussi extravagantes sans que d’énormes ficelles ne traversent le champ à chaque plan. C’est l’une des qualités de ce petit film lumineux : sa fluidité. La deuxième, c’est l’interprétation, par des acteurs classieux qui incarnent à merveille des personnages un peu largués mais pleins de vie. La troisième, c’est une sorte de réflexion générationnelle pas dogmatique mais bien observée : les trentenaires (aisés, éduqués) font face à un vide existentiel inédit dans une société américanisée qui les occupe à plein temps et ne les satisfait qu’à moitié. Quelle est la place du couple, dans tout ça ? De l’amour, plus largement ? La scène d’ouverture est un soi un manifeste historique : non, la vacuité n’est pas une invention de l’époque mais bien la conséquence de la perte de repères de la génération précédente. Ça n’explique peut-être pas tout mais on ne peut pas négliger le fait que l’irresponsabilité des baby-boomers laisse leur descendance passablement désemparée. Ajoutez à cela le bombardement du marketing culturel américain et vous obtenez des jeunes tiraillés entre des valeurs traditionnelles qui s’essoufflent et l’individualisme hédoniste plutôt vain tant vanté par les produits culturels d’importation. Comment s’y retrouver ? En s’y perdant un peu, si on en croit le scénario plutôt malin de cette comédie qui ne prétend pas aboutir à une conclusion édifiante. Les personnages barbotent dans leurs contradictions jusqu’au bout du bout, ce moment où les masques doivent impérativement tomber pour une question de simple survie. Et il est plutôt plaisant d’assister à leur naufrage/renaissance, à vrai dire.