Bon, j’ai regardé une comédie romantique, française, avec Mélanie Laurent, qui a une moyenne de 5,2/10 sur SensCritique. Sciemment, et de mon plein gré.
Mais j’avais mes raisons. Sort of. J’avais écrit un scénario sur le stalking il y a 3 ans, et on m’avait conseillé de voir d’autres films traitant du même sujet. J’avais fait une recherche sur Allociné, et Jusqu’à toi était la seule œuvre que j’y ai trouvé qui ne soit pas un thriller ou un film d’horreur. Parce que je voulais voir le stalking présenté sous un angle différent.
Rien ne m’obligeait à voir le film, surtout maintenant, mais j’étais intrigué. Même si tout indiquait que j’allais sûrement détester. La bande-annonce n’a pas aidé non plus.
Mais il y avait une infime chance pour que ça soit un de ces films mal-aimés, qui ne sont pas faits pour tous mais qui parviennent quand même à me toucher, personnellement ?
Jack est un américain, qui gagne un voyage à Paris grâce à un concours aperçu sur une canette de Coca-Cola. Arrivé en France, il perd sa valise, que l’héroïne, Chloé, récupère à la place de la sienne. Elle ne résiste pas à l’envie d’ouvrir le bagage, et à partir des affaires de cet inconnu, elle se fait une idée, fausse, de sa personnalité. Elle fait une projection de son homme idéal, à partir de… pratiquement rien. Dans une scène avec ses parents, elle fait semblant de le décrire comme si elle le connaissait, évoquant chez lui tout un tas de petites qualités. Ca se veut mignon, mais mettez un homme à la place de Mélanie Laurent, une musique un peu inquiétante, et on a une scène totalement glauque.
Cette histoire avec la valise devrait être l’intrigue principale, mais Jusqu’à toi fait beaucoup de détours, peut-être parce que ce principe à lui seul ne suffisait pas à faire un long-métrage (d’ailleurs le film ne fait qu’1h18). Mais du coup, cette intrigue n’est pas développée comme il faut ; au bout de 34mn, Chloé reparle de la valise, et on apprend par un dialogue avec son amie qu’elle aime cet homme qu’elle ne connaît pas. Ah ok. Parce qu’en gros on l’a juste vue jouer à se déguiser avec ses habits, ou écouter de la musique avec son casque audio. Mais elle l’aime, bon. Mais le seul élément indicateur des goûts du type, c’est un bouquin (100 ans de solitude), qui ne lui appartient même pas.
Jack, pendant ce temps, est dans un hôtel parisien, sans ses affaires, et ne fait pas grand chose. Il y a juste quelques gags pas drôles avec le personnel revêche.
Les personnages sont mal définis. Je n’ai même pas compris pendant longtemps quel était le boulot de l’héroïne. On comprend vaguement qu’elle enquête sur une entreprise pharmaceutique, mais je n’étais pas sûr si elle faisait partie d’une société d’assurance ou si elle était journaliste. Je crois que ce n’est que vers la fin du film qu’on emploie le terme "journal".
Et pourtant, dans les premières minutes, je trouvais ça bien parti. Je n’aime pas trop Mélanie Laurent, quoique je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas vraiment de raison à cela ; c’est juste de bon ton, de ne pas aimer Mélanie Laurent. Bon, ok, il y avait aussi la compilation "Mélanie Laurent is curious of everything" qui la décrédibilisait pas mal.
Mais en fait, elle est plutôt bonne actrice. Dans Jusqu’à toi, je l’ai trouvé touchante dès son monologue de début, qui faisait preuve d’une sensibilité particulière qui m’a plu.
Le personnage de Chloé y évoque sa déception par rapport à la réalité et les vrais gens, qui n’égalent pas ce qu’il y a dans les films. Un discours dans lequel je me suis reconnu ; ça m’a rappelé cette remarque géniale que le réalisateur Jean-Paul Civeyrac faisait à propos des personnages de son film Des filles en noir (auquel je pensais, justement, en évoquant ces œuvres peu appréciées qui m’ont agréablement surprises) : "Elles portent en elles plutôt une surcharge de vie qui les amène à une déception sur ce que représente finalement la vie."
Plus généralement, Chloé a une personnalité lunatique ; elle et Jack sont un peu comme des grands enfants, malhabiles, et mélancoliques.
Chloé a une façon de penser un peu farfelue, sans que ça soit insistant non plus ; juste des petites bizarreries de comportement, des sujets de conversation qui s’écartent de la norme. Et j’ai trouvé ça rafraîchissant pendant un temps.
Le ton est légèrement décalé, un peu idiot parfois, mais du coup il suffit de pas grand chose pour franchir la frontière entre ce qui est amusant et ce qui est un peu lourd. C’est tout comme l’infantilisme du personnage qui, d’attachant, peut facilement en devenir agaçant.
Cet esprit un peu gamin amène aussi des scènes assez étranges, par exemple une où Jack fait découvrir un cadeau à sa copine avec un mécanisme à la Home alone, et une autre où Chloé bloque le serveur de sa boîte avec un jeu vidéo, qui tourne en boucle sur tous les écrans. N’importe quoi.
Un truc qui m’avait vaguement plu dans la bande-annonce, c’est les discussions avec un employé de vidéo-club, qu’au final on ne doit voir que 3 fois et toujours très brièvement. Il nous livre sa philosophie de vie, façon Clerks… du pauvre. Il a une théorie sur la compatibilité en couple, qui se base sur un choix de 3 DVD. Et pour décrire sa femme idéale, il cite trois films d’horreur pourris. Puis il y a la copine de Chloé qui a exactement les 3 films évoqués, à son bureau. Bien sûr.
Quand Jusqu’à toi essaye de donner des leçons de vie, c’est vraiment gênant, et ses moments d’émotions sont pratiquement tous à côté de la plaque. C’est pas l’idéal, pour une comédie romantique.
Il y a le lourdeaud Américain qui s’incruste auprès de Jack, qui, sans raison, parvient à faire sourire sa femme qui ne lui parle plus depuis longtemps.
Il y a la première rencontre entre Jack et Chloé ; ils ne savent rien l’un de l’autre, mais ils ne tardent pas à s’embrasser, et puis ils couchent ensemble. Sur une musique romantique. Je pensais qu’au moins, ce serait désamorcé par la désillusion de l’héroïne quand elle apprend que le bouquin qu’elle adore qui était dans la valise de Jack, il ne l’a même pas lu. Alors oui, elle est déçue. Et puis 5mn de film plus tard, elle décide de courir le retrouver, là encore, sans qu’on ne comprenne pourquoi. Enfin elle fait quand même tout le voyage jusqu’aux USA, parce qu’il a eu le temps de prendre l’avion pour retourner chez lui.
Elle dit à son ami que "c’est pas juste le bouquin". Ah bon, bah c’est quoi alors ? Parce que j’avais l’impression qu’il n’y avait vraiment rien d’autre.
Le seul truc pas mal comme propos sur les sentiments, c’est cette métaphore à connotation sexuelle sur le ping-pong. Quoiqu’elle est prise au sens propre, finalement…
Même sans parler du fond, Jusqu’à toi est un film mal écrit, plein de plot holes et d’éléments qu’on ne comprend pas.
Quand la copine de Jack voit ses billets pour Paris, elle se barre, et on n’a plus de ses nouvelles pendant un moment, sans qu’on sache pourquoi.
Quand il cherche Chloé, Jack se retrouve chez le père de celle-ci, on n’a aucune idée comment, on le voit juste sonner à sa porte.
Et lors de son second passage à Paris, soudain le directeur de l’hôtel où il séjournait, qui le détestait, se comporte comme s’il était son pote. J’ai pas du tout compris.
Comment ça se fait qu’on valide des scénarios pareils, pas finis ? Ou alors pas mal de choses ont été coupées au montage.
Jusqu’à toi n’est pas si mauvais que ça, mais… j’allais dire que c’est un film qui allait tomber dans l’oubli, mais c’est déjà le cas. Et c’est pas plus mal.