Premier long-métrage de fiction du cinéaste québécois Patrice Laliberté, Jusqu'au Déclin est aussi la première production canadienne du géant du streaming qui étoffe de plus en plus son catalogue de productions internationales. Si le geste peut sembler naître parfois plus d'une volonté de se donner bonne conscience en jouant sur des tableaux aussi divers que variés et donc de toucher un public d'autant plus large (on pense à la Corée, au Mexique ou plus récemment à la Turquie), force est de constater que l'engouement de Netflix pour la globalisation de son cinéma peut offrir de jolies inspirations et donner à la jeune génération pétrie de qualités les moyens d'exister.
Jusqu'au Déclin fait partie de ces belles réussites de cinéma de genre de l'offre récente de la plateforme. Le postulat est mince mais bien suffisant pour l'exercice de style que représente le film : Alain vit reculé des grandes villes et a bâti son propre petit écosystème en cas de contamination ou de menace extérieure. Antoine, père de famille et admirateur de son oeuvre l'imite à sa manière en suivant ses cours de survie en ligne. Lorsque Alain le contacte et décide de l'accueillir pour vivre une expérience immersive de survie, Antoine n'hésite pas longtemps. L'expérience va se révéler plus dangereuse qu'elle n'y parait, l'illusion, la paranoïa et les moyens pour se protéger de la menace invisible trouvant rapidement ses limites.
Il est regrettable que le cinéaste n'aille pas plus loin dans sa très belle mise en place du récit. L'idée de protéger les siens d'une menace extérieure et de créer un environnement de confinement où l'on pourrait subvenir à ses moindres besoins aurait fait un parfait petit guide face à l'apocalypse, mais Jusqu'au déclin préfère embarquer le spectateur dans une chasse à l'homme bien troussée aux accents de survival d'inspiration vidéo-ludique (l'entraînement à balles réelles), de pur vigilante à l'ancienne, pas avare en moments de bravoure secs sans trop de 2nd degré, piège dans lequel il aurait pu s'engouffrer avec panache sans trop insister. On trouvera peut-être de quoi s'amuser avec ces tirs nourris qui allument l'autoradio d'une voiture.
En moins de 90mn générique compris, Jusqu'au déclin remplit parfaitement sa mission d'exercice de style baroque dans 15cm de neige éclaboussée. Le cadre que représente cette forêt québécoise dont on ne connait rien, pas même son nom, offre un terrain de jeu propice aux pièges, à la paranoïa et à l'imprévu lorsqu'un grain de sable vient enrayer cette machine qui semblait parfaitement huilée, ingénieuse et salutaire, sans doute trop idéaliste. Il dégénère rapidement, sans doute un peu trop vite, mais distille une tension tout du long jusque dans son final théâtral. Il y a ce je-ne-sais-quoi de sympathique avec ce verbe québécois, il pourrait nous faire un plaidoyer du sans gluten et des circuits courts qu'on tendrait volontiers l'oreille. Le casting, stéréotypé juste ce qu'il faut mais bin fun, y est sans doute pour beaucoup dans la réussite de cette entreprise amoureuse d'une certaine idée de cinéma de genre qui trouve inévitablement aujourd'hui un écho à l'actualité du confinement et de la protection de chacun face à la menace invisible. Très chouette.