La réception critique de Juste ciel ! laisse sans voix tant le film radicalise les partis, certains criant au chef-d’œuvre alors que d’autres le blâment dans son ensemble. Curieuses appréciations bipolaires pour ce long métrage sympathique et mené tambour battant par Laurent Tirard et sa belle troupe de comédiennes survoltées, qui investit le couvent comme espace burlesque dans lequel la charité défendue par les textes sacrés s’incarnent en gaffes, en divers chutes et coups bas (nous pourrions les désigner comme des « soupapes » comiques) comme le faisait autrefois la saga du Gendarme. Nous retrouvons d’ailleurs la même insouciance ensoleillée qui régissait les aventures de Ludovic Cruchot, porté par un humour bon enfant apte à rassembler les familles, au service d’une esthétique mêlant les différents types de comique au théâtre – le long métrage est organisé en petites scènes rappelant l’écriture dramatique – à la culture du Tour de France, événement populaire par excellence qui rassemble chaque année des dizaines de millions de spectateurs.
Nous percevons ici l’intérêt que porte Laurent Tirard aux sujets populaires, ainsi que le travail qu’il fournit pour convertir cette matière en œuvres de cinéma : adapter de la littérature de jeunesse (les deux films du Petit Nicolas sortis respectivement en 2009 et 2014), de la bande dessinée (Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté en 2012), la vie du plus célèbre dramaturge français, connu de chacun, qu’on soit ou non lecteurs (Molière en 2007) ou même l’écriture d’un discours de mariage (Le Discours, 2020). Il va de soi que les dispositifs utilisés pour exploiter l’imagerie cycliste – filmage par drones, plans zénithaux – condamnent le film à une certaine lourdeur et jettent sur la mise en scène un discrédit de nature publicitaire : nous avons parfois l’impression de voir sur grand écran les segments vidéo utilisés par les chaînes de télévision dans les transitions entre leurs différents programmes. La talent des comédiennes et le foisonnement d’idées comiques, tantôt gentillettes tantôt insolentes – voir à ce titre la reconstitution de la misère dans un EHPAD, sommet de cynisme jubilatoire – suffisent à rattraper ce défaut.
Car l’on rit, beaucoup, devant Juste Ciel ! d’un rire intelligent parce que suscité par la précision d’une mise en scène subordonnée à la rigueur de l’écriture. Amen !