Pierre Dac disait qu'il y avait deux types d'humour (et pas de comique, attention) : le premier étant l'humour de la connivence, qui est celui de la référence, impliquant une ingestion et une compréhension de la part du spectateur et qui n'a aucun effet sur celui d'une culture radicalement différente, et l'humour de drôlerie, qui est un humour qui touche universellement tous les êtres humains quelle que soit leur époque.
Si le parangon du premier type pourrait être Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, on pourrait citer en exemple dans le deuxième la plupart des films avec De Funès, les Perrin/Pignon de Veber, etc, etc. (Notez que bien sûr beaucoup de comédies peuvent donner dans les deux).
Juste Ciel ! appartient clairement au deuxième type, et réussit là où qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu s'était écrasé, là où Bienvenue chez les Ch'tis avait monté une mayonnaise honnête mais sans grande saveur.
Dans ce film porté par une réalisation impeccable, une écriture juste, une musique entrainante et mesurée, il n'y a pas de faux plat, de moment où le soufflé retombe, c'est du grand œuvre du début à la fin, petits et grands sont hilares quasiment sans interruption tellement les rebondissements (sans méchants avec la puissance de deux mille bombes atomiques ou gentils avec des capes bariolées et des pouvoirs de oufs) sont ininterrompus et s'enchainent à merveille sans que l'on se dise un instant que la qualité baisse...
Et c'est bien grâce au fabuleux sextuor d'actrices principales : Valérie Bonneton au sommet de son art, dont chaque frémissement du visage peut vous faire sourire, rire, ou pleurer, Camille Chamoux et Claire Nadeau, toujours fabuleuses, Guilaine Londez qui est au cinéma français ce qu'Henri Guybet (lui aussi présent) a toujours été : une actrice assez injustement reléguée dans les seconds rôles alors qu'elle est un élément indispensable de la plupart des œuvres auxquelles elle a participé (et elles sont nombreuses) depuis l'Amour est dans le Pré ; la formidable Sidse Babett Knudsen, à la prestation toujours impeccable que ce soit dans un Westworld ou Borgen ou en nonne cycliste...et la jeune Louise Malek que je ne connaissais pas mais qui a manifestement non seulement un avenir brillant devant elle, mais qui a déjà un sens de la comédie rare.
Bref, vous l'aurez compris...ce film sous-distribué, qui a bénéficié d'une presse que je qualifierais d'absente, et de critiques mauvaises, est pour moi LA comédie des vingt dernières années. Pas de rire gras, pas de rire entendus, c'est sûr que ce n'est pas satirique, grinçant ou cynique (ce qui est aujourd'hui attendu des comédies - certaines le font très bien mais c'est pas la question), mais du rire franc, explosif, net et sans bavures, c'est un film que toutes les personnes présentes à cette unique séance de cette toute petite salle reverront probablement toute leur vie avec plaisir.
Pour ma part je n'avais pas entendu une salle entière rire comme ça depuis la Cité de la Peur.