Quel chaos que fut la production de Justice League. Un gros bazar orchestré par la Warner, assurant malgré tout à son public que tout allait bien, et qui aura fini par trouver son apogée lors du départ du projet d'un Zack Snyder en deuil, remplacé au pied levé par un Joss Whedon arrivé en catastrophe pour finir le boulot de la post-production.
On dira ce qu'on voudra de films comme Man of Steel et Batman v Superman, de l'ambition, ce n'était pas ce dont ils manquaient. Certes, ils étaient bourrés de problèmes, je suis le premier à le reconnaître. Mais on ne m'ôtera pas l'idée que Zack Snyder avait des bonnes intentions, dans ses thématiques intéressantes, à vouloir donner un nouveau souffle au mythe de l'homme d'acier et du chevalier noir. Pour autant, on se souvient tous d'une certaine promotion pour annoncer l'arrivée de la Justice League, mais rien qui ne nous laissait présager (quoique, la production encore...) un tel désastre.
Soyons concis : Justice League est un des plus gros exemples de film bâtard et difforme que j'ai vu. Une sorte de Double-Face sur pellicule, forçant la patte de Snyder et les reshoots de Whedon à cohabiter pour un résultat qui explose littéralement le film en morceaux. Peut-être que Snyder a lui-même une certaine responsabilité dans les problèmes du film, mais on sent quand même à quel point son travail a été charcuté par une post-production aux fraises.
Le visionnage du film s'apparente ainsi presque à essayer de deviner qui a fait quelle scène, où se trouvent les coupes, jusqu'à quel point les plans et scènes manquantes se font remarquer (le montage pathétique aidant). Et croyez-moi que ça se remarque facilement. Oubliez le duel entre Gareth Edwards et Tony Gilroy quant au résultat final de Rogue One. Avec Justice League, l'impression de voir un mélange inconsistant et indigeste se ressent plus que jamais.
Et pourtant, j'ai eu un espoir au début. La séquence "Everybody Knows", retraçant pendant un court instant le monde en deuil après la mort de Superman, représente ce que j'aurais aimé voir le long du film. Un monde qui aura bien du mal à se relever de la mort de l'homme d'acier, icône de l'espoir pour Metropolis et pour l'humanité. Inutile de préciser, donc, que j'ai vite déchanté par la suite...
Fini l'ambition scénaristique, fini les enjeux, fini le drame. Si on va voir Justice League, c'est pour le divertissement suivant un récit aussi fin qu'un fil dentaire. On suit juste donc un blockbuster sans âme, qui tente désespérément de jouer sur la nostalgie des fans avec notamment un Danny Elfman en pilote automatique à la BO quand il ne se contente pas simplement de recycler sans magie les thèmes iconiques de nos héros, et de jouer sur le même terrain de jeu que Marvel avec un ton bien trop décontracté qui empoisonne la cohérence instaurée par les précédentes productions DC outre Suicide Squad (qui lui ironiquement se prenait trop au sérieux).
Et donc, la réunion des héros ne fonctionne jamais, on ne croit pas à leurs relations, et ça joue pas mal sur le fait que trois d'entre eux n'ont pas eu le temps d'être suffisamment introduits. Ainsi, Aquaman est assez badass mais n'a que peu d'influence sur les actions importantes du film, Flash est le petit comique de service pas drôle, certes son côté comique est cohérent avec le personnage depuis la version Bruce Timm, mais il ne fait qu'aligner les gags sans qu'on ait un minimum de sympathie pour lui, quant à Cyborg, qui aurait pu être un personnage vraiment intéressant, une fois encore le film passe outre son potentiel. En fait, c'est surtout Wonder Woman qui garde une certaine dignité dans l'entreprise, parce que ce pauvre Batman lui aussi fait les frais d'une écriture proprement calamiteuse... Et ce n'est pas le méchant qui va sauver les meubles, oh que non. Steppenwolf est presque du même niveau que l'enchanteresse de Suicide Squad, juste un vilain guguss "invincible" risible et très, très laid qui inspire plus l'hilarité que la crainte.
Tout le potentiel du film s'en retrouve donc réduit à néant. Si on retrouve dans le tas de lambeaux quelques détails pas inintéressants, ils font pâle figure face à l'immense impression de gâchis qui persiste durant les deux heures du long-métrage. Et le retour de Superman, bâclé à l'extrême, en est une preuve à lui seul. Comme si la Ligue l'avait plus ressorti d'un vilain coup de déprime que du royaume des morts, lorsque notre homme d'acier pète un bon coup, le revoilà prêt à poutrer du méchant et à sauver la situation, avec des punchlines en prime (je ne plaisante pas).
Le climax d'ailleurs est bien l'ultime preuve que le mélange Snyder/Whedon ne passe pas du tout. Sur fond de CGI laids à pleurer, nos héros vont donc affronter le vilain pas beau Steppenwolf, qui n'a plus rien pour lui lorsque Superman arrive en fait, vu qu'à partir de là, l'affrontement semble presque s'apparenter à une partie de plaisir pour l'équipe. Aucune immersion, aucun enjeu humain à part pour suivre une famille russe d'une inutilité flagrante, avec un sacré temps d'exposition pour... rien. Le climax tente vainement de camoufler ses problèmes avec une atmosphère pesante qui ne fait jamais mouche à cause du reste. Tout ça pour en arriver à un happy end très happy, avec des fleurs qui poussent et une impression que ça a été fait à l'arrache.
Justice League n'est pas seulement un mauvais film et un blockbuster sans saveur, c'est un immense gâchis. Une impression constante de suivre un film bâtard et sans identité, saccageant l'implication de Snyder dans l'entreprise et bafouant la cohérence de son univers pour en tirer un divertissement lambda et sans charisme. Rien ne dit que si Snyder avait une totale main-mise sur son projet, on aurait eu quelque chose de particulièrement réussi. Ce qui est sûr, c'est qu'en l'état, Justice League n'a presque rien pour lui.