Entrons directement dans le vif du sujet : ce que fait Justice League, Avengers - parce que la comparaison est inévitable - le faisait déjà il y a 5 ans et le faisait mieux.
Ceci étant posé, ce dernier opus de l’univers cinématographique du couple Warner/DC Comics est-il pour autant un mauvais film ? Eh bien dans ce cas, je vois plutôt le verre à moitié plein. Le film n’est pas original mais demeure néanmoins bien construit. On comprend rapidement les enjeux et les obstacles auxquels vont-être confrontés les héros. Leur opposant est tout à fait lambda, mais il n’a pas vocation à durer dans cet univers, mais à nous préparer à l’arrivée de menaces plus grandes encore.
Par ailleurs, ce que je trouve appréciable dans cet univers, c’est qu’on nous le présente d’un bloc. Contrairement au MCU qui se construit de manière très incrémentale et itérative – le spectateur découvrant au fil des films un univers qui s’étend peu à peu – le DCEU s’impose à nous dans son entièreté, le spectateur étant projeté dans un monde qui existe déjà en totalité ou presque. L’avantage, c’est que cela rend cet ensemble plus cohérent, du moins jusqu’à présent (et oui Suicide Squad, malgré tous ses défauts, demeure cohérent avec cet univers). Le tronc principal est posé directement, et les histoires évoluent autour de celui-ci, là où le MCU nous livre surtout des épisodes « filers » qui ne développent que des intrigues parallèles. L’inconvénient, c’est que tout spectateur n’ayant pas connaissance des comics risque de se retrouver un peu perdu dans ce foisonnement de mythologies et de sous-mondes qui s’entrecroisent.
Pour en revenir au film en lui-même, et la question que tout le monde se pose : l’univers DC s’est-il « marvélisé » ? Eh bien je ferai ici une réponse de Normand, oui et non.
Non parce que le film sait proposer des moments de gravité. Toute la première partie par exemple demeure complètement dans la continuité de Batman v Superman (même si on aurait pu trouver mieux qu’un bonhomme qui renverse un cageot de légumes pour montrer la détresse du monde après la mort de Superman).
Oui parce qu’on sent depuis Wonder Woman la volonté de Warner de revenir à des structures de récits plus classiques et plus facilement assimilables par le grand public – et surtout le jeune public. Ce même public qui avait trouvé BvS trop compliqué et dont le maître étalon en matière de Blockbuster de comics semble être « Les Gardiens de la Galaxie » ce qui est assez effrayant en termes de perspectives artistiques. Le principal vecteur de cette marvélisation est l’usage de l’humour et oui, ce film est plus « drôle » que les précédents.
Mais cela constitue-t-il un problème. Certes jusqu’à présent le DCEU a fortement été imprégné par la patte de Snyder et le traitement très pessimiste de ses personnages. Pour autant, cela signifie-t-il que le DCEU doit rester bloquer dans ce carcan ? Chacun y apportera sa réponse mais dans mon cas, la perspective de voir une dizaine de film à l’ambiance ultra lourde ne m’enchante pas plus que cela et, par ailleurs, n’est-ce pas là le même problème que les films Marvel qui se ressemblent tous, mais dans le sens inverse ? Personnellement, je suis plus favorable à ce que l’univers évolue, peu importe la direction si cela est bien fait et dans ce cadre, quitte à donner dans l’humour, autant aller chercher le gars qui sait maitriser ça : Joss Whedon.
Cette évocation de l’ancien champion de Marvel passé chez DC me permet d’aborder le côté bicéphale du film. Tous ceux qui se sont intéressés à ce film savent que son développement a été compliqué, que le studio a demandé à Snyder de faire un produit plus léger, que ce dernier a dû quitter la post-production suite à un drame familiale, que Whedon en a repris les reines, qu’il a fait des reshoots (procédé très fréquent à Hollywood rappelons-le) et que le film a été ramené à 2h au lieu de 2h40 et donc la question qui en découle : est-ce que cela se voit ?
Oui.
Oui car on a vu les bandes annonces et donc on a vu certaines scènes coupées au montage. Oui parce qu’on sent qui manque des pans de l’intrigue (notamment la partie sur les civils restés bloqués à côté de la centrale). Oui parce que certaines séquences humoristiques font très artificielles et je pense notamment à une concernant Batman. La deuxième scène où l’on voit Aquaman semble tout droit sortie de l’enfer de Suicide Squad et de son montage clipesque.
Néanmoins,
Aurait-on repéré ces défauts si on n’avait pas su pour le développement chaotique ? On était tous au courant pour le passage de témoin entre Snyder et Whedon et on sait que leurs approches du cinéma sont très différentes. Dès lors, n’a-t-on pas sciemment cherché ces potentielles incohérences ? Personnellement, si on m’avait dit que Suicide Squad avait été réalisé par 3 types, j’y aurais cru… En fin de compte, je serais curieux de savoir quelles ont été les scènes de Whedon et que lui doit-on sur ce film.
Bon sur le film en lui-même, quelques mots sur l’acting : Ben Affleck est en dents de scie, tantôt investit, tantôt moins, on a parfois le sentiment qu’il ne croit pas à certaines scènes qu’il joue, en particulier quand on lui demande de faire des blagues (oui Batman fait des blagues, mais bon y’en a deux ou trois donc ça va). Ezra Miller nous offre un Spiderman, pardon un Flash, de qualité Marvel : c’est le comique du groupe, dès fois ça fonctionne, dès fois c’est chiant, mais on le sent à fond dans son personnage et on a envie de le revoir. Pour Jason Momoa, je craignais un effet rockstar surexploité mais le badass du groupe est plutôt bien géré (bon à part la scène avec la bouteille de Whisky vu dans la BA complètement over the top). Ray Fisher c’est un peu particulier : son personnage est très intéressant, mais sa performance d’acteur est vraiment en retrait. Je ne sais pas si c’est l’attirail de motion capture qu’il avait sur lui qui entrave son jeu, mais il va falloir faire attention dès lors qu’on ne verra plus que lui. Enfin, Gal Gadot et là je dis « attention danger ». Depuis son film solo, elle est devenue le personnage le plus populaire du DCEU et donc la tentation est grande de la privilégier. Néanmoins, le fait est que Gadot n’est pas une actrice exceptionnelle et je trouve qu’elle galère par moment à apporter du relief à son jeu. Bon par contra elle gère la baston ça y’a pas photo.
Enfin bis, Henry Cavill, que je trouve toujours aussi excellent et qui, il faut le noter, est très convainquant en Superman « méchant » ; dans la scène où il se réveille à moitié amnésique et fou, il est juste flippant et je trouve ça fort de passer de cet état pour revenir au boyscout qu’on connaît sans que cela ne choque.
Le scénario je l’ai dit est très banal et prévisible, mais au moins il tient la route. Plus gênant, le film ne propose finalement pas de moment vraiment mémorable, comme le fameux plan séquence du premier Avengers. Il y a malgré tout quelque scènes sympa comme l’ouverture du film et quand la League tente de maîtriser Superman. Les séquences des Amazones et du flashback sont sympa mais ressemblent beaucoup trop au Seigneur des Anneaux. La musique enfin est très oubliable, hormis les réutilisations des thèmes historiques de Batman et de Superman, mais bon vous voyez où est le problème quand on dit ça.
Au final, que penser de ce film ? Pour ma part, c’est un divertissement super héroïque sympathique. Certains en attendais probablement plus (par contre, ceux qui critiquaient BvS pour son côté sombre et sérieux et qui là se plaignent du lissage opéré sur JL, merci de ne plus donner votre avis en public, surtout quand c’est votre métier) et on ne peut que les comprendre dans leur déception et le fait que j’ai apprécié le film vient peut-être aussi du fait que je m’étais purger de toutes mes attentes envers lui. Parce que le film laisse aussi une impression de résignation ; une résignation face à un projet trop ambitieux que l’on est obligé de revoir à la baisse. De ce côté, ce Justice League pourrait presque s’apparenter à une version réussie de Suicide Squad. Clairement il ne faut pas y voir une clef de voute de l’univers DC mais seulement une brique supplémentaire, suffisamment large toutefois pour l’ouvrir à de nombreuse autres perspectives. Là où Avengers était le haut de la vague, Justice League n’est que le début, ou la fin avant une nouvelle on ne sait pas trop.
Enfin on espère.