Alors que le monde est endeuillé après la mort de Superman (ce qui apparemment, justifie aux yeux des Américains d’enlaidir Notre-Dame de Paris avec une bannière qui ne ressemble à rien, mais bon, ne nous égarons pas déjà…), une nouvelle menace voit le jour en la personne de Steppenwolf (voix : Ciarán Hinds, pour autant qu’il y ait de l’humain derrière cet immonde tas de CGI), une créature démoniaque qui veut mener le monde à l’apocalypse. Batman (Ben Affleck) décide alors de réunir les métas-humains que sont Wonder Woman (Gal Gadot, dont la beauté et la distinction résistent toujours aussi bien au tout-numérique environnant), Cyborg (Ray Fisher), Flash (Ezra Miller) et Aquaman (Jason Momoa), afin de lutter contre Steppenwolf, et l’empêcher de réunir les « boîtes-mères », trois éléments qui, une fois réunis, lui donneraient la suprématie sur le monde entier...
Les affiches, sans nul doute les plus laides de la décennie, et les bandes-annonces annonçaient le pire, et pour une fois, il n’y avait pas tromperie sur la marchandise. Tout le monde sait dans quel contexte chaotique le film fut produit, le départ de Zack Snyder durant la postproduction suite au décès de sa fille et les reshoots de Joss Whedon, dont on ne sait trop si leur raison d’être était de faire ressembler le film à quelque chose ou d’achever de ne plus le faire ressembler à rien.
Cela doit-il pour autant excuser Justice League ? Il est évident que non. Si ce contexte chaotique explique sans doute l’échec de ce film, il ne peut en aucun cas jouer le rôle d’excuse, et si les studios Warner avaient décidé de faire convenablement leur travail, rien n’aurait rejailli sur la qualité de ce film qui semble constamment chercher son identité sans jamais la trouver. En l’état, il faut toutefois admettre que, service minimum ou pas, les studios ont tout de même fait leur travail (du moins en partie), puisqu’il est impossible de déterminer qui, de Snyder, de Whedon ou bien des producteurs est responsable de la nullité de l’ensemble. Ceux qui n’en sont clairement pas responsables en tous cas, ce sont les acteurs, qui réussissent étonnamment à s’en sortir sans trop de ridicule, alors même que leurs personnages sont tous réduits à néant par un scénario d’un vide abyssal.
Ce scénario signé Chris Terrio, on se demande si quelqu’un l’a lu avant de le valider, tant il ressasse sans aucune inventivité des idées et des thèmes déjà vus en mieux ailleurs. Qu’elles viennent des comics ou non n’excuse en rien leur manque total d’originalité, et on s’interroge tout au long du film sur l’identité du monsieur qui a laissé passer cette histoire grotesque de boîtes-mères, vulgaire copie des Pierres d’Infinité que la concurrence Marvel a eu la jugeote d’introduire dans son univers cinématographique avec beaucoup plus d’intelligence, les disséminant entre tous ses films (ce qui ne signifie pas nécessairement qu’elles auront un rôle beaucoup plus intéressant lorsqu’elles seront enfin réunies). Enfin, le plus grand reproche à faire au scénario est sans nul doute de réussir l’exploit de rendre insipides tous ses personnages sauf un, ne valorisant jamais leur pouvoir, et ne développant jamais leur caractère. Par exemple, j'attends encore de savoir à quoi a servi Aquaman, privé de son pouvoir dans un affrontement final qui se déroule loin de tout milieu aqueux.
Le « sauf un » de la phrase précédente est à attribuer au grand gagnant du film, Flash, incarné par un Ezra Miller à l’enthousiasme communicatif, savoureux en super-héros naïf et ayant peur du danger. A lui seul, il parvient à donner au film un vague regain d’intérêt, grâce à un humour étonnamment efficace, dont on se réjouirait s’il n’était la triste preuve que DC Comics a baissé les bras face à la concurrence Marvel, préférant l’imiter vulgairement que suivre sa propre voie.
Ce qui reste bel et bien la marque de DC, en revanche, c’est l’utilisation sans retenue d’effets spéciaux et de fonds numériques d’une laideur qui repousse les limites du mauvais goût encore plus loin que le cerveau humain n’était capable de l’imaginer, qui achève de transformer ces deux heures en torture visuelle sans nom, et qui n’a même plus l’excuse d’une certaine recherche esthétique, Fabian Wagner, directeur de la photographie sorti de nulle part, n’ayant visiblement pas grand sens de ses responsabilités. Mais après tout, que devait-on attendre d’un film dont le principal ressort scénaristique consiste à écarter des boîtes pour sauver le monde ?
Pour Gal Gadot, pour Flash et parce qu’il y a quelque chose d’amusant à visionner un désastre artistique qui n’arrive jamais à dépasser sa condition de niveau zéro du cinéma, l’indulgence reste toutefois de mise face à un film qui semble n’avoir pour autre but que de nous faire rejoindre tous les grincheux de service, en essayant de nous convaincre que décidément, le cinéma, c’était mieux avant.