Quand des meurtres à connotations paranormales ont lieu aux quatre coins du monde, la célèbre Ligue des Justiciers est dépassée, pourtant il en faudra plus à l’éternel sceptique Batman pour se débiner. C’est à travers un plongeon de 75 minutes dans les eaux troubles de l’occultisme et des arts obscurs que Justice League Dark offre un divertissement alternatif aux aventures des figures du bien habituelles de l’univers DC, dans la veine d’Assaut sur Arkham mettant en avant le Suicide Squad. Mené par la rockstar John ‘Johnny’ Constantine, le groupe de fortune improvisé et composé de Zatanna, Jason Blood, Boston Brand et autres invités déglingués à l’occasion portent le spectacle sur leurs épaules dans une ambiance lourde dont le premier quart d’heure sait instaurer un sentiment de malaise. Le principal défi à relever pour l’équipe de Jay Oliva, réalisateur, était d’adapter le script original de Guillermo del Toro sur une durée aussi courte en prenant le soin de respecter chaque personnage et son origine ainsi que toute la mythologie du label Vertigo qu’ils traînent avec eux. Magie, démons, légendes arthuriennes, tel est le bloc à intégrer en toile de fond dans l’univers déjà riche de DC et ça marche bien ! On pouvait craindre que le rôle de Batman éclipse celui des protagonistes, l’équipe d’Oliva a eu le bon goût de trouver un dosage malin pour l’homme chauve-souris, ni trop en retrait, ni trop en avant. Si l’affiche se partage plutôt de façon équilibrée entre nos nouveaux (anti)héros, c’est tout de même le duo Constantine/Zatanna qui vient accaparer l’attention fait chavirer les cœurs. Cette aventure se suffisant à elle-même, l’histoire se permet un certain nombre de risques pendant son dernier acte malgré son classicisme par rapport au genre du blockbuster qui passe par la case obligatoire de la casse collatérale en milieu urbain. Là où Justice League Dark brille, c’est clairement dans son écriture, autant dans son cheminement que dans ses dialogues crus, véritable machine à punchlines, et respectueux de l’esprit marginal des personnages. Chacun a droit à son moment de bravoure dans des tempêtes de sorcellerie et d’explosions, la répartie cinglante de Constantine, aka ‘le champion du monde des enfoirés‘ sublimée par un Matt Ryan familier au doublage est salvatrice, en équilibre stable pour ne pas tomber dans le cliché du one-liner ou dans la surenchère. Malheureusement le tableau est entaché par une animation coréenne parfois peu léchée laissant quelques coquilles grossières et par la bande-originale qui divisera par ses choix drastiques. Le travail de Robert J. Krall pour ce métrage s’articule autour d’utilisations de cordes et de chœurs pour souligner la dimension occulte des événements, avec un mix assourdissant de dubstep qu ne sera pas du goût de tous. Si on ne peut s’empêcher au travail de Noisia, on aurait mieux vu un score qui privilégie une ambiance gothique et punk-rock de façon plus adaptée. Justice League Dark est une invitation aux frontières du réel, un film d’animation sombre, désinvolte et cru. Constantine et sa bande fascinent par leur aura particulière et détonnent par l’aspect western qu’ils donnent à l’aventure. Le nouveau film d’animation DC, peu avare en séquences épiques, est facilement ce qu’on a vu de mieux dans cette collection depuis le dyptique The Dark Knight Returns. A voir et à posséder.