C’est la guerre ! Voilà comment résumer simplement le postulat de départ du nouveau film, ou plutôt nouvelle expérience, de Christopher Nolan. Expérience car oui, DUNKERQUE n’est pas un film traditionnel, se permet de rompre les codes du cinéma plus conventionnel tout comme il rompt ceux du cinéaste lui-même.
Il est difficile de parler de DUNKERQUE en posant de simples mots dessus tant le nouveau Nolan s’apparente bien plus à une immersion suffocante dans le factuel de l’opération Dynamo, que dans la fiction habituelle. Renouvellement et vision grandiose en tant qu’objet cinématographique pour le réalisateur anglais, ici la seconde guerre mondiale ne semble avoir jamais été aussi bien montrée. Pas racontée mais bien montrée. Spectaculaire à tout niveau, DUNKERQUE est déroutant par son découpage, son écriture et son montage qui ne possèdent rien de commun avec quelqu’autre film de genre. Quasiment muet, ce long-métrage expérimental parie sur une plongée au cœur-même d’une course pour la survie. Point besoin de développement superflu pour les quelques personnages donnés à suivre dans cette cavalcade effrénée contre-la-montre où l’ennemi menace, oppresse, bien qu’invisible. Le simple sentiment de peur dans le regard de ses protagonistes, à la direction d’acteurs merveilleuse, suffit à susciter suffisamment d’empathie pour suivre leur parcours et espérer qu’ils mènent à bien leur quête : rester en vie en milieu hostile.
Bénéficiant d’un travail sonore hors-du-commun grâce à la musique au tic-tac stressant d’un Hans Zimmer au sommet et d’un mixage parfait, DUNKERQUE maltraite vos sens pendant son heure 45. Sans aucun temps mort, Christopher Nolan se réinvente, lui qui est habitué aux métrages bavards, supprime quasiment tout dialogue, concentre sa force de frappe à l’image époustouflante, dont l’intégralité respire l’authenticité et le réalisme des effets spéciaux pratiques, point d’orgue de l’immersion.
La volonté de ne nommer aucun de ses personnages aide à prendre conscience que dans ces situations, cette guerre, il n y a point de héros, point de place pour la vaillance épique : tous ne sont que de la chair à canon que seul l’instinct de survie pousse encore à se battre, même à bout de force, et à maintenir la moindre étincelle dans leur regard. DUNKERQUE est puissant, essoufflant et vous met dans une position d’inconfort total en étant embarqué auprès de ces soldats qui attendent la délivrance, le miracle, où chaque minute est une victoire et chaque parole une respiration. Bien plus qu’un film, cette expérimentation visuelle et sonore qui fait entrer le domaine du spectacle à un tout autre niveau justifie encore l’existence des cinémas et l’intérêt de vivre ces films en salles obscures.
DUNKERQUE vous incommodera, DUNKERQUE vous malmènera, DUNKERQUE vous fera perdre vos repères, vous collera la tête dans le sable et vous fera boire la tasse mais DUNKERQUE vous marquera. Ai-je vu un grand film ? Question sans réponse, en revanche on y vit quelque chose d’unique dont on ressort secoué, sonné. DUNKERQUE est une réinvention du concept cinématographique, du film muet et du grand spectacle survivaliste. Bravo Christopher.