Non, Kaagaz n’est pas une histoire de revenant, mais l’histoire vraie d’un homme bien vivant découvrant qu’il a été déclaré mort dans les papiers administratifs.
L’histoire se déroule en Inde et elle commence en 1977. Bharhat Lal est un homme sans histoire, sa vie ordinaire va basculer tout à coup dans l’incroyable ! Il a besoin de faire un emprunt à la banque. Pour des raisons administratives il se rend dans son village de naissance. Et là il découvre que son oncle a déclaré son décès afin d’hériter d’un lopin de terre.
Il commence par s’adresser au chef du village attendant de lui un papier annulant sa déclaration de décès. Il lui répond que c’est impossible et il lui dit :
Dans notre pays, le registre a plus de poids que le gouverneur, s'il dit que tu es un chameau, cela te prendra toute la vie pour prouver que tu n'es pas un chameau.
S’ensuit un combat de plusieurs années pour obtenir un papier reconnaissant qu’il est toujours vivant. Il adresse d’abord de nombreuses lettres remontant toujours plus haut, jusqu’au premier ministre. Cela n’aboutit à rien. Il engage ensuite des recours en justice et il se ruine sans obtenir de résultat.
Sa lutte est une véritable guerre, une guerre contre le « papier », c’est d’ailleurs le titre même du film. La force du papier l’emporte sur toute autre réalité en Inde, même sur l’évidence. Dans un plaidoyer émouvant il crie : « je suis vivant ! » On lui répond : « Les papiers vous déclarent mort » il rétorque :
vous me parlez de papiers, mais moi je vous parle d’êtres vivants ! Qu’est-ce qui est le plus important ? Les papiers ou l’être humain ! Les hommes ont un cœur, les papiers n’en ont pas ! Le sang circule dans les veines des hommes, les papiers n’en ont pas ! Les humains ont une famille, les papiers n’en ont pas !
Peu à peu il découvre que des centaines et même des milliers de personnes sont dans sa situation en Inde. Il crée une association : l’Association des personnes défuntes. Il va toujours plus loin dans son combat : il signe ses lettres « feu Bharat Lal » ; il cherche à se faire arrêter pour que son nom apparaisse sur un registre officiel ; Il se présente aux élections contre Rajiv Gandhi en 1989 ; il demande une indemnité de veuve pour sa femme ; il organise des funérailles pour lui et pour plusieurs personnes de l’association. C’est finalement en 1994 qu’il obtiendra un papier reconnaissant qu’il est en vie. Mais plus que tout, à travers ce combat, Bharat Lal a découvert finalement la beauté et le prix de la vie.
Il a continué à se battre pour les membres de son association. Sur plus de 20 000 personnes, 4 seulement ont obtenu une annulation de leur acte de décès. En 2003 il a obtenu le prix Nobel de la paix.
C’est bien le cœur de cette histoire. Dès que l’être humain n’est plus au cœur d’une réalité, celle-ci tombe dans la violence, l’absurdité, la cruauté. Il faut espérer que ce film fasse bouger les choses pour les milliers de personnes qui attendent encore la reconnaissance qu’ils sont bien en vie.