En matière de comédie tout est souvent une question de tempo, de musique et de rythme. Comme beaucoup de monde cela faisait dix ans que j'attendais de retrouver la petite musique de Kaamelott sur grand écran tout en m'interrogeant pour savoir comment Alexandre Astier allait passer de la musique de chambre au grand barnum de la salle de concert. Œuvre transitoire et hybride qui fait le pont entre le petit et le grand écran, Kaamelott : Premier Volet ressemble un petit peu à une réorchestration symphonique de petites musiques que l'on connait déjà mais que l'on prendra toujours tellement de plaisir à réécouter.


Arthur est donc de retour et presque prêt à reconquérir son royaume tombé aux mains de Lancelot. Les troupes se reforment , les solistes un peu perdus orchestrent une résistance brouillonne sans chef pour insuffler le tempo , le vent du renouveau s'apprête à souffler...


Même si je vais emmètre plusieurs réserves sur le film, je ne bouderai pas mon plaisir car dès que les trois grands coups de cors ont retentis dans la salle j'avais déjà la banane jusqu'aux oreilles. Avec ce premier volet cinématographique Alexandre Astier n'avait pas une tâche des plus facile à résoudre. Il devait remettre en place les enjeux de l'intrigue, réintroduire l'intégralité des personnages emblématiques de la série en leur réservant une entrée digne du grand écran, s'affranchir du cadre télévisuelle sans le renier pour embrasser ensuite pleinement la dimension cinématographie, combler l'attente fébrile des fans et préparer les contours de cette trilogie. Et bien pour moi Alexandre Astier réalise presque un sans faute dans cette exercice d'équilibriste un peu casse gueule. On pourras reprocher bien sûr une mécanique de scènes qui parfois s'enchainent et ressemblent à un collage d'épisodes mais j'ai vraiment la sensation qu'à mesure que le film avance il gagne en fluidité pour justement s'affranchir en douceur de son format originel. Fatalement c'est avec un immense bonheur que l'on retrouve les personnages qui nous ont tellement fait marrer et comme Astier est un prince autant qu'un roi il offre à ses personnages et acteurs de très belles entrées en matière comme pour Karadoc et Perceval avec ce mur qui s'effondre en deux temps. Peut être que cela va paraître stupide mais j'ai eu un délicieux frisson de plaisir et d'émotion à retrouver ces deux magnifiques crétins. Je ne vais pas faire l'inventaire de tous les personnages qu'il est si doux de retrouver mais ce Kaamelott : Premier Volet distille des petites pastilles de bonheur à intervalle régulier.


Et puis quelle plaisir de retrouver cette musicalité de comédie, ce plaisir des dialogues que l'intégralité du casting porte en bouche et déguste comme un bon cru. Alors que tant de comédies françaises formatées ressemblent à des compilations de tubes de variétoche aux rythmiques interchangeables et aux paroles insipides chantées faussement par des interprètes dans l'air du temps, qu'il est bon retrouver cette mélodie qui coule comme du miel à nos oreilles et cette rythmique imparable du verbe. Alors peut être que ce premier volet de Kaamelott ne contient pas les plus brillantes vannes d'Astier, qu'il pourra même paraître décevant dans sa mécanique de pure comédie mais personnellement ça faisait longtemps que je n'avais pas autant rigoler au cinéma devant un film français. Alexandre Astier offre de par son écriture de très bons moments de comédie (Ah la scène de l'enfonçage de porte, quel bonheur !) et il réussit même l'exploit de me rendre Christian Clavier amusant et supportable.


Il est donc beaucoup question de musique et c'est d'ailleurs par la musique que le Burgondes trouveront enfin un semblant de discipline dans l'art de la guerre. Et pour se convaincre à quel point Alexandre Astier connaît la musique il suffit de se plonger dans l'excellente bande originale du film qui est une des plus belle et incontestable réussite du film. Le tempo de la comédie laisse parfois la place à une mélodie plus posée entre mélancolie et romantisme et ce Kaamelott : Premier Volet nous offre une très très jolie scène entre Arthur et Guenièvre. Après les avoir vus pendant des heures dans un padoc à se balancer des horreurs le film nous permet d'assister à un moment purement romanesque et vraiment très émouvant. Si Alexandre Astier a toujours le verbe haut et l'amour des personnages bavards, il sait aussi faire parler l'émotion de ses personnages devenus un instant mutiques mais dont les regards valent alors tous les discours du monde ; que ce soit Guenièvre serrant sa couronne de fleurs (formidable Anne Girouard) ou Perceval retrouvant Arthur dans sa cage, parfois la connerie se tait et impose de magnifiques silences.


Forcément tout est bien loin d'être parfait et la symphonie Kaamelott ne se joue pas sans quelques fausses notes avec surtout cette sensation agaçante que parfois le récit s'emballe en zappant des moments clefs de son intrigue. C'est par exemple une immense frustration de ne pas voir les retrouvailles entre Léodagan et Arthur accompagné de sa clique ou de ne pas assister à l'élaboration du plan de guerre en musique avec l'entrainement des Burgondes. Je ne suis pas non plus complétement conquis par la fantaisie baroque de certains costumes ni l'écriture un peu forcée de quelques vannes mais rien n'est vraiment rédhibitoire. On pouvait peut être également espérer un peu plus de souffle épique dans la mise en scène et un affrontement finale beaucoup plus intense en action et dramaturgie. Une nouvelle fois ce premier volet reste une œuvre transitoire qui doit digérer son passif et repartir vers l'avant sans renier son univers. Ce n'est pas un hasard de voir ce que symboliquement Alexandre Astier fait de Kaamelott en tant qu'édifice, un endroit dans lequel il retrouve sa puissance, sa mélancolie suicidaire mais qui doit être rasé pour repartir à zéro vers de nouvelles aventures. Kamelott : Premier Volet est un film charnière qui clos une aventure pour s'ouvrir sur les perspectives alléchantes de nouveaux enjeux.


On l'aura peut être finalement trop attendu pour ne pas être que déçu mais objectivement Kaamelott : Premier Volet se place illico dans ce que le cinéma français a produit de plus intègre, sincère et excitant en matière de comédie depuis des lustres.

freddyK
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le 29 juil. 2021

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