Kaili Blues
7.1
Kaili Blues

Film de Bì Gàn (2015)

Vinaigre blanc, rêve érotique, pamplemousse rose.

Sous la tonne de poésie déclamée pendant le film, ne voilà-t-il pas que ce vers, pas piqué des hannetons, s'offre à moi et me murmure, tu cherchais un titre ? En voilà un.

Sous une intrigue opaque comme un marécage vaseux où seraient tombées des milliers de petites feuilles vertes, se cachait nonchalamment, dans un écrin que l'on aura tôt fait de condamner comme un exercice vain et vaniteux, un moment.

Un instant de quelques 41 minutes qui nous fait pénétrer dans une bulle temporelle qui serait hors du temps. Je l'ai ressenti ainsi.

Je peux me tromper, mais c'est une des multiples choses sur lesquelles je ne reviendrais pas. Comme ma mésinterprétation de Prisoners, ou It Follows. Je suis ouvert aux remarques qui pointeraient du doigt un manque cruel de clairvoyance, je suis ouvert au don de lingettes Vu ©, je suis ouvert mais je trouve que changer ce genre d'erreur a posteriori serait un peu comme rectifier une photo raté avec Photoshop © pour faire croire que je sais prendre une photo.
Mes critiques sont des instantanés, des Polaroïds ©. Je m'y livre parfois avec maladresse, souvent avec humour, avec égocentrisme, rarement avec haine, mais avec colère, cela se peut.

En voilà un aparté surprenant. C'est venu comme ça.

La nuit s'évapore, transpiration, la pluie s'en vient encore, séparation.

La poésie semble vouloir transpirer à travers tous les pores du film, que ce soit par les poèmes qui criblent les instants qui auraient pu rester silencieux, ou par ce fameux plan séquence, exercice appliqué, peut-être vu comme démonstratif, on comprend mieux pourquoi les détracteurs du film y voient uniquement une volonté d'en faire trop. De se montrer.

Oui, c'était déjà un reproche que je faisais à l'encontre de The Revenant, alors pourquoi le tolèrerais-je ici, préférence nationale, c'est made in China donc c'est mieux ?
Pas forcément, mais là où Alejandro nous en servait à plus savoir qu'en foutre, Bi ne s'en sert qu'une fois. Une fois conséquente certes, mais je le redis, il m'a semblé que ce plan séquence était l'occasion de créer une temporalité différente dans le film.

Dans ce lieu où Chen vient chercher diverses choses, il ne finira pas de se perdre entre un passé qui resurgit inopinément (évoquant sa vie à une coiffeuse), un futur potentiel (un chauffeur de mototaxi obsédé par les montres répondant au prénom de Weiwei – comme son neveu – voulant remontrer le temps en dessinant des horloges sur un train, un présent dont il se fiche à moitié (rendre service, mais garder la chemise, et offrir la cassette à ce Jasmin qui lui rappelle décidément trop de souvenirs – interprétation hasardeuse – pour finir par s'y rendre.

Le film n'en finit plus de jouer à un jeu d'écho se répondant à retardement. Où quand le jeune Weiwei (plusieurs fois fils de substitution par ailleurs) dessine une horloge à la craie, où un train projeté sur un drap blanc n'en finit plus de traverser la pièce.
Le train roulant à l'envers, sans dessus-dessous.
L'horloge finira par donner l'heure dans un jeu de lumière.Le train finira par remonter le temps : une horloge est dessinée sur chaque wagon, récréant une animation à l'ancienne, ses aiguilles allant dans le sens inverse.
Le Poivrot est rongé par l'alcool au début du film, un autre Poivrot, serait-ce le même, conduit le pick-up menant le groupe de pop à destination, et s'en va quérir un litre d'alcool dans ce que je nomme "bulle temporelle".

À mes yeux, le choix du plan séquence n'est là que pour renforcer, en changeant la façon de monter son film, la cassure, le changement radical de ton. L'histoire prenant enfin une dimension onirique, et poétique. Bien plus que lors des rimes abstraites qui jalonne le film.

xoxo

Créée

le 5 avr. 2024

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Kenshin

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15

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