"T'as skeaté. T'as skeaté...! T'as skeaté! T'AS SKEATÉ!!!"
Kaïro souffre d'autant de défauts qu'il possède de qualités. Si la thématique du paradoxe de l'isolement de l'individu face au développement d'outils de communication ouvrant tout un chacun au monde semble aujourd'hui éculé, il ne faut pas oublier que l'internet et les réseaux sociaux que nous connaissons n'occupait pas un telle place à l'époque où le film fut produit (2001).
De même, si celui-ci semble traiter de problématiques a priori symptomatiques de la société japonaise (suicide, isolement, déshumanisation, solitude, oubli), il ne faut pas chercher longtemps avant de se rendre compte, avec un peu d'honnêteté, que le monde occidental à lui aussi le cul merdeux quant à la place qu'il donne à l'individu, noyé dans l'image et le son, tout en lui vendant un monde dont il est le centre.
Ceci étant dit, il faut aussi juger le film pour ce qu'il est ; un film. Non exempt de qualités, comme je l'ai déjà dit, Kaïro peut cependant dérouter, ennuyer, ou perdre le spectateur. Le rythme lent qui est j'allais dire une marque de fabrique de Kurosawa s'est avéré être plus efficace sur d'autres réalisations, et peut ici semer en chemin ceux qui ne sont pas habitués à être menés doucement vers la fin d'un film. Malgré tout, pour instaurer une ambiance, il faut prendre son temps. Et quelle ambiance ! J'avais vu Cure avant Kaïro, j'ai donc reconnu là et me suis replongé avec plaisir dans cette atmosphère pesante, glauque, mélancolique si particulière qui fait la force principale du film.
A l'instar d'un Silent Hill (le premier, j'insiste), l'une des grandes réussites du travail d'ambiance se manifeste dans cette impression d'être témoin des derniers agissements inconsciemment désespérés des derniers êtres vivants dans un monde mort. Ils bougent, luttent, s'accrochent, parlent, se questionnent, crient, fuient dans l'abysse.
Pour appuyer ce rendu, Kurosawa use d'effet aujourd'hui classiques, notamment au niveau du cadrages et des placements de caméra, mais dont certains vous arracheront quelques frissons, emplis de ce petit quelque chose de malsain, primaire et viscéral qui caractérise les peurs indicibles. L'habillage sonore y contribuera quelques fois, et quelques fois pas. Je vous laisse seuls juges.
Si je rejoins tout à fait l'avis de Drelium (je vous invite à lire sa critique) concernant le côté (relativement) original et varié des thèmes et questionnements abordés pour un film de fantômes, et si on peut reconnaitre à Kurosawa la volonté d'aller jusqu'au bout de son propos, je pense qu'on peut tout de même regretter un aspect de la trame et un découpage narratif parfois un peu trop décousu, ainsi qu'une conclusion que j'ai jugé pour ma part décevante.
Plus profond qu'un Ring, plus honnête qu'un énième The Eye, effrayant pour d'autres raisons qu'un Paranormal Activity (si vous suivez pas : il s'agît d'un sarcasme) ; si vous n'avez pas d'amis ou plus de réseau ça vous tuera pas de lui accorder une chance.