(Avant-propos: Cette critique est sponsorisée par Pattex)
Tokyo, années 2000. Alors qu'internet commence à devenir populaire et que des écrans apparaissent tout autour de nous, permettant ainsi de communiquer de plus en plus facilement avec l'autre, le japonais moyen se sent seul... Ces progrès technologiques en matière de communication ne font qu'éloigner les gens, qui finissent par souffrir de cette solitude. Petit-à-petit, cette souffrance s'intensifie et grandit dans leur esprit. La mort, cruelle créature, rôde par là et profite de ce moment de faiblesse pour attaquer sournoisement. Une, deux, puis des dizaines de personnes disparaissent sans laisser de traces... enfin pas tout à fait: une simple silhouette brûlée qui sent encore l'odeur des larmes et du chagrin, voilà ce qu'il reste de ces malheureux.
Face à ce fléau certains tentent de résister, mais le doute finit toujours par les gagner. La Mort leur propose un moyen d'en finir avec cette souffrance: rejoindre ces étranges zones scellées. Quelques morceaux de ruban adhésif, seulement, séparent les humains rescapés de son territoire. "Qu'y a-t-il derrière ces portes effrayantes ?" me direz-vous...
Personne ne survit suffisamment longtemps pour en témoigner.
Kiyoshi Kurosawa est un cinéaste fascinant. Kaïro n'est pas simplement un film d'horreur, c'est une critique détournée d'une société qui, face au progrès matériel, finit par "régresser" humainement. Les valeurs se perdent, on s'exile au lieu de partager, le monde pleure. Ici, la solitude prend la forme d'un fantôme: une personne disparue que l'on finit par oublier, qui revient de temps en temps nous hanter. Du petit incident dans une chambre d'étudiant se répand ce mal mystérieux, allant jusqu'à contaminer le monde entier; Kurosawa veut montrer ici que sans changement, c'est la planète qui court à sa perte... Vision un peu trop péjorative que je ne partage pas totalement, mais qui à le mérite d'être très intéressante et bien argumentée.
Ce qui fait que ce film marche à ce point c'est son ambiance et ses choix de réalisation. La mise en scène est très minimaliste et accompagnée par une caméra fixe et lente, qui semble elle aussi fantomatique. On observe également bon nombre de plans qui sont en fait de véritables mises en abîme, où l'on voit des pièces à vivre banales, via des écrans, devenir des micro-enfers. On y découvre des gens amorphes, qui semblent avoir perdu toutes raisons de vivre... La peur et le malaise que l'on ressent face à ces images inquiétantes sont amplifiées par un jeu sur les bruitages très efficace: râles incessants, crissements, ou encore interférences électroniques; tout est présent pour qu'on se sente mal. Là où Dark Water de Nakata présentait des espaces assez vides, Kurosawa ici nous met face à des pièces pleines d'objets entassés. On ne sait plus où donner de la tête, et on finit par craindre encore plus l'arrivée des esprits, car on ne sait pas où chercher dans ce véritable capharnaüm.
Kaïro est donc une oeuvre maléfique, au même titre que l'excellent Cure, où le mystique vient se mêler à la réalité, perturbante manière d'aborder des thèmes bien réels mais qui à le mérite d'être efficace. Si un jour vous voyez une porte recouverte de scotch vermillon, fuyez tant qu'il est encore temps et débranchez votre PC... Vous pouvez encore aller sur SC avec votre Smartphone, vous ne risquez rien !