La Grande Simulation

Il y-a parfois comme ça des histoires que l'on aurait du mal à croire si on nous les racontait dans une œuvre de fiction. On trouverait ça sûrement un peu trop gros, pas totalement crédible et un peu tiré par le mulet ; pourtant le plus extraordinaire dans l'histoire de Carlos Henrique Raposo c'est que presque tout est vrai.

Surnommé Carlos Kaiser du fait d'une vague ressemblance avec Franz Beckenbauer, Carlos Henrique Raposo va jouer pendant plus de dix ans en tant que footballer professionnel dans les plus grands et prestigieux clubs de Rio comme Botafogo, Fluminense, Vasco de Gamma et Flamengo . Avec cette particularité assez unique de ne pas savoir jouer au football et de n'avoir jamais fait plus de trente apparition sur un terrain durant sa carrière. Un emploi fictif puissance max, une imposture permanente, une savoureuse escroquerie qui ont fini par faire de Carlos Kaiser une légende du football brésilien.

Entre images d'archives , interviews et reconstitutions filmées Kaiser! Le meilleur footballeur à n'avoir jamais joué au football retrace donc l'histoire pour le moins atypique d'un type qui aura toujours rêvé d'avoir la vie d'un footballer sans pour autant avoir envie de toucher un ballon. Mythomane, escroc, beau parleur, affabulateur rempli de culot Carlos Kaiser a construit sa propre histoire et la raconte en ne cessant d'y ajouter des éléments (parfois totalement inventés) propres à étoffer et nourrir le mythe autour d'un récit qui déjà sans en rajouter est assez hallucinant. Carlos Kaiser a réussi à se faire recruter par les plus prestigieux club brésilien de l'époque et surtout à y rester le plus souvent en simulant des blessures à répétition ( à l'époque pas d'IRM pour vérifier) ou en devenant un proche de dirigeants parfois affiliés au banditisme à qui il refourguait des femmes grâce à son charme de dragueur invétéré. Racontant des bobards souvent plus gros que lui, utilisant des faux téléphones pour faire croire qu'il est en contact avec les dirigeants de clubs prestigieux comme Barcelone, trouvant souvent des appuis amusés chez les joueurs et certains journalistes Carlos Kaiser va doucement se créer une image et une réputation. Peu importe que vous ne l'ayez jamais vu toucher un ballon , plus la liste des clubs (réels ou fictifs) l'ayant employé s'allonge et plus sa notoriété s'installe. Le film est truffé d'anecdotes très drôles et la plupart des intervenants comme Bebeto, Renato Gaucho portent un regard bienveillant sur cet escroc finalement pas bien méchant , seul Zico semble bien moins convaincu par le destin de celui qu'il considère comme une insulte à son métier. Si l'on voit très peu d'images d'archives de Carlos Kaiser sur un terrain (en même temps c'est un peu logique) on voit le bougre interviewer lors d'émission sportives et de talk show de l'époque et on le voit même à l'apogée de sa gloire footballistique imaginaire marquer un but sur une vieille vidéo même si c'est en réalité celui d'un autre joueur qui lui ressemble vaguement . Une légende urbaine prétend même qu'il existe un DVD de ses meilleures actions.

Au fil du documentaire Carlos Kaiser apparait comme un petit escroc débrouillard attachant, un complet mythomane perdu dans ses propres inventions au point d'en devenir inquiétant, un dragueur lourd et malaisant complétement obsédé par le sexe pour que finalement la carapace de l'imposture ne se brise lors d'un dernier quart d'heure plutôt émouvant. Loin du bling-bling d'une vie de people et de mensonges, le personnage haut en couleur et sûr de lui de Carlos Kaiser laisse la place à Carlos Henrique Raposo un homme brisé par la vie, fatigué, oublié qui voulait juste vivre un rêve de gosse pour lequel il n'avait pas le moindre talent.

Carlos Kaiser a tellement voulu devenir un joueur de football que tout le monde y compris lui a fini croire qu'il en était un et comme le dit si justement Renato Gaucho il est devenu une légende et un joueur unique au monde, le meilleur footballeur à n'avoir jamais joué au football.