Kalo Pothi est le récit initiatique de deux enfants à l'amitié infrangible découvrant les affres de la "guerre civile" (l'invasion maoïste au Népal), les divisions sociales propres à leur culture et la dure loi de l'argent.
Le choix narratif de Min Bahadur Bham de filmer cette histoire grave à travers le regard encore innocent de deux gamins (Prakash et Kiran) permet d'éviter l'écueil du pathétique, difficilement contournable au vu des problématiques soulevées. De plus, grâce à l'ingénieux prétexte de la recherche d'une poule - symbole d'une certaine présence maternelle absente chez le protagoniste -, le récit trouve son fil conducteur et permet ainsi de s'éloigner du simple film de guerre, de dénonciation socio-politique en mettant d'abord en avant la fraternité, l'amitié, le Bien fondamental de l'Homme - avant que celui-ci ne soit inévitablement corrompu par les maux qui gangrènent le monde qu'il habite.
Toutefois, loin de toute fable complaisante faisant fi des réalités locales, le Mal est palpable derrière cette union simple et désintéressée: guerre et rébellion, clivages économiques, déterminisme sociaux des castes, misère. Révoltés quoique acceptant cet état de fait, ces jeunes enfants découvrant à leurs dépens la dureté de la vie lutteront à leur manière en ne mettant jamais fin à leur quête symbolique à laquelle d'aucuns viennent s'interposer - leur héroïsme, leur élan de vitalité, leur résistance devenant ainsi l'énergie motrice tirant le film. Ce positivisme inhérent à la candeur d'esprits encore peu troublés par la réalité la plus crue, ajouté au cadre merveilleux qu'ils parcourent montrant un pays splendide et inviolé, permet d'équilibrer les forces de mort / destruction et de création / vie.
Rappelant le meilleur Kiarostami de Où est la maison de mon ami?, quoique la narration, les dialogues et l'énergie émotionnelle le situent en deçà de ce chef d’œuvre, Kalo Pothi reste un film réussi, sans prétention, simple et humble dans son formalisme mais courageux dans son engagement.