Sixième long métrage pour le duo Julien Maury et Alexandre Bustillo et toujours cette volonté au combien louable de faire vivre le cinéma de genre en France. Forcément très inspiré par Candyman dont il reprend certains codes ainsi que l'univers urbain, Kandisha joue aussi la carte de mixité culturelle en faisant intervenir une légende marocaine au sein d'une banlieue de la France périphérique.
Kandisha raconte l'histoire de trois amies qui vivent en se serrant les coudes dans une cité HLM. Après avoir subit une tentative de viol de la part d'un ex petit ami violent, l'une d'entre elle évoque sur le coup de la colère et sans trop y croire l'esprit maléfique d'une femme marocaine censé punir les hommes. Les morts mystérieuses des hommes et garçons qui gravitent autour du trio commencent à se multiplier tandis que les trois amies tentent de stopper l'hécatombe.
On pouvait craindre le pire du contexte sociale marquée et très fort du film, mais le duo Maury/Bustillo ont l'intelligence de bien plus se servir du cadre comme décor que comme contexte. Même si le film s'inscrit dans une réalité sociale forte et que le trio black blanc beur est un peu facile en therme de symbolique on sent que Kandisha n'a pas forcément de grand message à faire passer, juste l'envie de nous foutre la trouille et c'est tant mieux. Julien Maury et Alexandre Bustillo qui sont également scénariste tentent juste d'inscrire un univers fantastique dans un cadre social, urbain, contemporain et national ( Pas comme Aux Yeux de Tous quoi !). Si la mise en place des enjeux et des personnages n'est pas forcément très convaincante en flirtant vers une forme de caricature , le film va doucement mais sûrement trouvé son rythme de croisière avec une montée crescendo d'une violence à la fois graphique, psychologique et dramatique. Si les premières apparitions de Aïcha Kandisha et ses premiers meurtres seront loin d'être traumatisants, on sent une vraie volonté de montée en puissance et à mesure que les victimes sont de plus en plus proches de ses trois filles, leurs mises à mort sont également de plus en plus gore et percutantes. Car le film porte une formidable idée qui est que la malédiction de Kandisha ne va pas toucher uniquement les hommes coupables de comportements violents et condamnables, mais faucher six hommes proches de celle qui évoquera la vindicte punitive. Je ne sais pas si c'est une volonté délibérée et consciente des deux réalisateurs mais symboliquement le film épouse assez formidablement son époque lorsque les dérives de certains mouvement féministes, légitimes au départ, finissent par créer des victimes pas forcément toutes coupables.
Kandisha est un film porté par un chouette trio de jeunes actrices débutantes mais dont on retiendra surtout le charisme et la présence de Mathilde La Musse (Vue dans Narvallo) qui a une sérieuse tendance à bouffer l'écran et donc à éclipser ses partenaires plus en retrait. Kandisha reste un film imparfait avec de nombreuses maladresses principalement liées à son écriture même si le duo nous proposent aussi quelques séquences moins inspirées en matière de mise en scène comme la tentative de révocation de l'esprit avec sacrifice animal. Il faudra bien sûr relativiser ce défaut au regard du film dans son intégralité et de cette volonté de progression par pallier dans l'horreur, mais la première partie du film n'est quand même pas super engageante tant dans sa description de ses trois filles de banlieue que dans les premières escapades vers le surnaturel. Il serait toutefois fort dommage de lâcher le film avant que ce dernier ne donne toute la mesure de son univers.
Une nouvelle fois le duo Alexandre Bustillo et Julien Maury signe un film bancal mais très attachant ne serait ce que dans sa volonté de poursuivre dans le sillon que les deux réalisateurs creusent avec passion et sincérité depuis A L'Intérieur en 2007.