Les films de Robert Altman ont leur style bien à eux et rien ne ressemble plus à du Altman que du Altman. Pourtant il étonne chaque fois un peu plus par sa capacité à se renouveler.
Kansas City est sûrement son film le plus personnel, puisqu'il y rend hommage à sa ville d'enfance. C'est une expérience singulière dans sa filmographie, dans laquelle il mélange des souvenirs personnels et des vérités historiques.
Au premier plan on observe la relation entre Blondie O'Hara et sa « victime » Carolyn Stilton, mais à cela vient s'ajouter une multitude de personnages, d'autres relations et d'autres parties du récit qui pourraient chacune être des longs métrages à part entière. La seconde partie en « flash-back » retrace, comment et pourquoi, Johnny O'Hara s'est retrouvé aux mains de la mafia locale, dirigée par Seldom Seen, brillamment interprété par Harry Belafonte et rappelant le Corleone de Brando. Altman relie sa foule de personnages au duo ravisseuse-victime, en les faisant sans cesse croiser sœur, beau-frère, riche truand et toute une ribambelle de protagonistes reliés par le club de Jazz et la Pègre. Les contours de tout ce beau monde sont la musique et les accords passés entre les élus et la mafia. Tout cela réuni, forme une véritable fresque scénaristique et donne donc évidemment lieu à plusieurs points de vue.
Tout d'abord, Kansas City est une œuvre à caractère semi autobiographique.
En effet la plupart des personnages ont vraiment existés ou sont en tout cas fortement inspirés de personnes réelles. Il y avait bien un gangster du nom de Seldom Seen à Kansas City, Belafonte puise pour son rôle dans l'image de son oncle mafioso à Harlem, Carolyn est l'image cinématographique d'une femme addicte aux calmants que Altman a bien connu etc. Quant aux politiques, le démocrate à la tête d'un parti corrompu, était aussi un certain Pendergast, grâce à qui la pègre italienne et afro-américaine se partageait la ville. Et le petit Charlie Parker déjà fou de Jazz, il a vécu similairement la même chose que le petit Robert Altman au même âge, dans les clubs de sa ville.
On peut également voir dans Kansas City, une étude sur la ségrégation raciale envers la population noire des années trente. Même si ce n'est que furtif et que les relations avec les blancs ne sont qu'une petite part de l'image qu'il projette, ce film en dit plus sur leur situation et sur leur véritable société qu'une œuvre basée sur ce sujet.
Cette société ils l'ont créée, au-delà de leur communauté, par leur musique, leur littérature et leur poésie.
Leur lutte antiségrégationniste est visible notamment dans l'anecdote de cette histoire vraie, d'une femme noire, qui refusa de porter l'uniforme pour poser devant le peintre Thomas Benton et qui avorta donc l'œuvre d'art.
Altman nous montre aussi sa vérité qui est que la ségrégation n'existait pas dans les clubs de Jazz et que les blancs peu nombreux qui venaient y passer la soirée étaient les bienvenus.
En dehors de cette population afro-américaine, les différences de classes sont bien évidemment présentes entre blancs, Les O'Hara en font l'expérience en s'aventurant en territoire inconnue, dans une autre classe que la leur, armés seulement du modelage que le cinéma a fait d'eux (Blondie tient son revolver comme elle l'a vu faire dans les films). Le cinéma qui sera un des points de la cavalcade de Blondie et dans lequel elle croisera une amie du jeune Charlie Parker. Le film jongle à merveille entre les scènes de crimes et les morceaux de Jazz que Altman a ajouté au montage en fusionnant le rythme et les sentiments des personnages avec ceux de la musique.
Car Kansas City est un fin prétexte pour l'hommage que le réalisateur adresse à la musique Jazz. Les Jazzmen y sont omniprésents, dans les « bordels » où ils gagnent beaucoup d'argent, autant que dans le « Hey Hey Club », où sont filmés les plus beaux instants du film, et dans lequel Johnny vivra un véritable calvaire. Kansas City, la ville du rêve américain des années trent,e était le point de rendez vous des fines fleurs du Jazz qui jouaient jusque dans le tripot de Seldom Seen... Altman retranscrit cette ambiance fiévreuse en alternant les passages dans les clubs et la cavalcade des deux héroïnes dont la relation évolue au fil de l'histoire. Pour cela il a fait une sélection des Jazzmen les plus talentueux des années 90 qui ont su redonner vie aux plus grands musiciens du genre, comme Lester Young ou Coleman Hawkins, avec passion. Ils ont su improviser sur des ébauches de morceaux et reproduire une vraie Jam Session. Altman a donc insufflé sa passion pour cette musique dans son film de gangster, qu'il clôture par un morceau qu'il chérit depuis l'enfance, les notes de Solitude de Duke Ellington.
z0uan
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le 5 févr. 2012

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