Parlons franc, lors des sixties et de sa vague yè-yé, le groupe "Carpenters" était quasi inconnu en France et on ne l'entendait que fort épisodiquement sur la radio Europe 1 dans l'émission phare des sixties de Daniel Filipacchi : "Salut les copains" Alors qu'on n'était pas avare sur ces ondes des Beattles, Rolling Stones, Bee Gees, Beach Boys, ou encore des duos comme Bill & Buster, Simon and Garfunkel, Everly Brothers et tant d'autres... Problèmes du label et de communication de "A & M Records" que le marché français et européen semblait peu intéresser ?
Les duos étaient d'ailleurs rares à percer en France même s'il y eut bien Stone et Charden qui firent une rare percée...
Par contre, les Carpenters étaient très connus au pays de l'onc' Donald et ce trio à l'origine, dura en fait uniquement constitué de Karen et Richard Carpenter frère et soeur. Lui était un sage garçon qui voulait à tout prix percer dans le domaine de la musique et s'était inscrit dans une université de musique. Elle, était un vrai garçon manqué et ne s'adonna à la musique et à la chanson que pour suivre les traces de son frère qu'elle adorait. L'un et l'autre vécurent d'ailleurs très longtemps chez leurs parents à Los Angeles... Elle, avait une voix très particulière, très chaude qu'on eut reconnu dès la première intonation...
Les Carpenters firent des erreurs de carrière comme par exemple répondre à l'invitation de Nixon, président alors très controversé des USA, et en recherche d'image renouvelée, et qui les avait cités comme "jeunes exemplaires de l'Amérique"...
Karen se plaignait qu'on s'occupât plutôt du caractère people des Carpenters qu'à leur travail musical : par exemple qu'on lui reprochait une frange de cheveux trop courtes plutôt qu'à ses interprêtations musicales elles-mêmes. Très exigeants et perfectionnistes, la soeur et le frère enregistraient tous leurs spectacles, pour mieux les analyser ensuite comme retour d'expérience. On leur reprochait aussi de chanter en "Live" de la même manière qu'en studio. Or, c'est justement une qualité que de reproduire le "son studio" où l'on peut faire toutes sortes d'arrangements et de corrections à postériori, inimaginables en direct.
Mais complètement dévorés par le show-biz, il n'y avait pas de place dans leurs coeurs face à un emploi du temps dévorant et démentiel : jusqu'à 250 spectacles par an car ils ne refusaient rien même dans de petites salles.
Karen avait une autre qualité : c'était un excellent batteur (au sens neutre du nom commun : on l'oublie trop souvent : la langue française offre cette alternative au masculin/ féminin !) en plus d'une chanteuse qui n'avait pas à forcer sa voix.
J'ai toujours eu une empathie particulière pour Karen, morte sans avoir vécu, sans avoir connu du véritable amour que des passades, avoir des projets, des enfants : tout son temps était consacré à son job. Ils y ont laissé leur équilibre psychologique, leur santé. Lui, hypocondriaque, abusait des médicaments et des somnifères et dut subir une cure de désintoxication... A temps. Elle, était tombée dans l'anorexie la plus totale par phobie de grossir... Et quand on l'interrogeait, elle argumentait que non, et qu'en fait elle était exténuée. Elle se soigna trop tard elle, à New-York en même temps qu'elle décida d'enregistrer un album solo. Il ne fut jamais édité : le silence glacial de réprobation des producteurs en avait sonné le glas à la première écoute. Et puis les morceaux des Carpenters donnaient toujours l'impression d'un même son, d'un tempo identique, et ils n'avaient pas su se renouveler... Karen mourut d'un arrêt cardiaque au domicile de ses parents, sans jamais avoir vécu. C'est bien triste et on la plaint d'avoir mené cette vie d'esclave. Elle s'était bien mariée mais avait fait une union de dupes ! Elle voulait des enfants ? Son mari lui avait caché qu'il ne pouvait plus en avoir. Il acheta bien deux Rolls identiques, une pour lui, l'autre pour elle : il ne sut jamais les payer et les huissiers vinrent les saisir : il voulait être Monsieur Karen Carpenter, ce qu'elle avait toujours espéré éviter. Le couple se disloqua rapidement...
Alors ce documentaire n'apporte rien qu'on ne sache déjà : on a d'ailleurs l'impression de déjà vu d'autant qu'une émission regroupant les Bee Gees, Abba et le tandem Carpenters a déjà été diffusé récemment par Arte et qu'on y voyait déjà de nombreux plans de ce documentaire. Tout comme l'interview de Pétula Clark où elle cite qu'étant allées saluer Elvis Presley dans sa loge, elle et Karen avaient presque été incitées par le chanteur à une partie à trois... Ce documentaire est d'autant plus raté qu'on meuble avec des extraits qui n'ont rien à y faire comme avec cette chanteuse "has been" qui nous explique qu'elle sait chanter en français et qui le démontre ! Karen méritait mieux, notamment parce qu'elle était une championne ès percussions : or on ne la voit que très peu à l'oeuvre dans ce domaine alors que comme le groupe le précise, les enregistrements vidéos étaient très nombreux... Le réalisateur ne s'est pas trop creusé les méninges pour nous offrir de l'inédit, pour creuser son sujet. On entend néanmoins les deux biographes de Karen et les anecdotes de quelques amis. Jamais le frère de Kareen. Manque de travail journalistique ? Goût de la facilité ?
Morte à 32 ans avec 38 kilos et en 1983... C'est bien triste !
Arte le 08.03.2019