Où mon fils t’a trouvée ? Dans le caniveau ?
Je m’appelle Katie, Madame. Et je vous ai rendu votre fils.
Cette scène, l’une des dernières du film, résume bien le personnage de Katie, une jeune femme que la vie n’a pu briser et qui garde sa dignité. Ici, elle ne répond pas à la question, mais elle annonce son nom avec fierté. Ce n'est pas rien de s’appeler Katie, d’être née dans la misère et de tenir encore debout. Elle a droit d’en être fière. Elle vient de ramener à cette femme bourgeoise, dans sa demeure luxueuse, son fils qui participait à une manifestation de pauvres gens réclamant du travail pour une vie décente. Il a été blessé par balle.
Keetje Tippela fait partie des réalisations les plus classiques de Verhoeven. A part quelques scènes crues, le scénario est assez conventionnel. Il se base sur l’autobiographie de Neel Doff qui est passée de la misère et la prostitution à la vie bourgeoise.
Nous sommes à la fin du XIXe siècle, aux Pays-Bas. Lorsque Katie débarque avec sa famille à Amsterdam dans l’espoir de trouver une vie meilleure, le désenchantement ne se fait pas longtemps attendre. Cette première nuit dans un logis de misère dépeint leur détresse. Le père est réduit à brûler les sabots de bois pour offrir quelques instants de chaleur éphémère et faire taire les plaintes de sa femme et ses enfants. Pour survivre, ses parents finissent par prostituer Katie après que sa plus jeune sœur ait échoué dans le domaine pour s’être trop adonnée à la boisson. Katie aura la chance de tomber sur des personnes plus humaines que d’autres qui ont exploité sa misère. Elle rencontre un jeune peintre qui au lieu de profiter d’elle en fait sa muse. Cette rencontre ouvrira son chemin jusqu’à cette arrivée dans la demeure bourgeoise où elle ramène l’enfant de la maison, nous laissant simplement entrevoir que sa vie va prendre un tournant nouveau.
Dans ce film d’époque, Verhoeven voulait approfondir davantage le contexte politique, les restrictions budgétaires ne le lui ont pas permis. Il a dû se centrer pour l’essentiel sur le personnage de cette jeune femme. Cela donne un film intimiste illuminé par l’actrice Monique Van de Ven qui campe un personnage à la fois faible et fragile, dégageant une forte présence aussi bien dans la misère que dans ses habits élégants. Si Katie est prisonnière de sa classe sociale, elle sait aussi s’en extraire en premier lieu par la lecture de Jules Verne que nous la voyons commencer sur le bateau qui la mène à Amsterdam avec sa famille. Signe évident d’un esprit libre et d’une volonté de ne pas se laisser réduire à sa condition. Elle traverse le pire en gardant son innocence et sa fraîcheur. C’est un remarquable portrait de femme combative que nous offre ici Verhoeven.