KFC
5.1
KFC

Film de Le Binh Giang (2017)

KFC est un petit film vietnamien de 68 minutes qui se trimballe une réputation sulfureuse de cinéma extrême propre à faire dégobiller les cinéphages déviants à l'estomac un peu trop fragile. Alors bien sûr le film de Le Binh Giang nous réserve son lot de scènes trashs et un peu provocatrices, mais pas de quoi traumatiser un amateur endurci des tréfonds du cinéma bis italien ou américain des années 70.


KFC est difficile à résumer car le film aborde une structure narrative complètement éclatée entre divers temporalité et personnages. Le film suit différents protagonistes à différentes périodes de leurs vies respectives autour d'une spirale de violence et de vengeance qui va finir par les réunir.


Même pour un amateur de films déviants et d'expériences un peu borderline comme je le suis , il y-a une limite à ce que je suis capable de supporter et qui reste celle du cinéma. Pour être un peu plus clair, même si je suis adepte de sensations fortes, j'ai besoin qu'il reste du cinéma dans ce que l'on me propose et jamais je n'irai m'extasier devant un truc torché au caméscope me montrant pendant deux heures viols, tortures, horreurs et provocations sous prétexte que c'est extrême. A force de lire des critiques décrivant avec un rien de complaisance les moments les plus croustillants de KFC j'avais fini par craindre que le film rentre un peu dans cette catégorie là. Finalement le film de Le Binh Giang propose suffisamment de choses pertinentes pour échapper à ce registre de provocation gratuite et crapoteuse. KFC propose déjà dans sa structure un étrange kaléidoscope de sensations et d'événements qui prennent carrément le risque de perdre les spectateurs tant dans un premier temps on a la sensation de se retrouver devant une successions de saynètes sans véritables lien entre elles. Puis petit à petit sans pour autant devenir didactique et trop explicatif le récit trouve sa cohérence interne et les pièces du puzzle finissent par s’emboîter avec notamment en fil rouge la fameuse marque KFC permettant d'identifier un personnage au fil des différentes temporalités. Le film reste difficile à suivre et appréhender mais il garde une cohérence interne. Après on pourra toujours s'interroger sur ce que raconte véritablement KFC, sur les intentions et le message de son investigateur. Le réalisateur Le Binh Giang n'a d'ailleurs pas de réponses à cette question expliquant qu'il a fait son film pour exprimer un mal être intérieur avec une certaine rage de débutant et qu'il laissait aux spectateurs le soin de trouver à KFC des explications sociales, politiques et philosophiques. Fable sur la violence inhérente à la société vietnamienne ? Critique d'un impérialisme américain symbolisé par cette marque de fast food ? Parabole d'une société cannibale dans laquelle les individus se bouffent entre eux ? Le Binh Giang se contentera de dire que tout ce que vous trouverez dans KFC s'y trouve forcément sans doute un peu.


Un peu plus haut dans cette critique j'évoquais un besoin de cinéma y compris dans les œuvres les plus radicales, provocatrices et underground. De toute évidence on trouve chez Le Binh Giang un vrai désir de cinéma et un vrai travail de mise en scène qui se ressent dans certains plans très soignés, dans un désir parfois d'étirer ses séquences, dans certaines brutales ruptures de ton, dans cette ambiance poisseuse de violence omniprésente et dans quelques partis pris de mise en scène comme une exagération de certains aspects sonores du film pour lui apporter une ambiance plus oppressante. Et si KFC est effectivement trash et difficile par certains aspects (cannibalisme, nécrophilie, torture) on sent que ce n'est pas ce qui importe le plus au réalisateur et que surtout toute cette violence s'inscrit dans un processus artistique cohérent et global. Tout est bien sûr loin d'être parfait dans ce premier film à commencer par quelques effets spéciaux numériques lamentables et honteusement ridicules et ce récit éclaté qui prend le risque de perdre de nombreux spectateurs (en même temps ils ne se bousculent pas pour voir le film).


KFC est presque plus une expérience qu'un véritable film, il convient de se fondre et se laisser bousculer par l'univers mis en place par Le Binh Giang. Si j'ai aimé certaines audaces, quelques débordements horrifiques bien glauques et la radicalité de certains aspects de sa mise en scène, le film ne m'aura au final pas plus traumatisé que véritablement passionné.

Créée

le 19 août 2022

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Freddy K

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