• Revu en mars 2014 (+1 point) :
Plus je revois Kick-Ass, plus je saisis ses particularités, et plus je l'apprécie. Entre les œuvres de super-héros sombres et celles de pur divertissement, Kick-Ass adapte très bien le comics dont il est tiré pour proposer une histoire haute en couleurs. Sur un principe déjanté, avec des personnages qui le sont tout autant et un humour et des références culturelles bien pensés, Kick-Ass construit tranquillement son petit univers, mariant l'hémoglobine et la violence crue à des environnements tape-à-l'oeil qui ont tout du teen movie. Les choix de réalisation sont excellents, avec des plans dynamiques et une photo pétillante jouant sur la saturation des couleurs pétantes, et la musique vient joliment habiller le tout entre compos ambiantes prenantes et morceaux Pop Rock adéquats. Vraiment, Kick-Ass est un long-métrage délirant qui assume pleinement ses exagérations tout en ne manquant pas de lâcher quelques piques acerbes sur notre société.
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• Critique du 29 août 2013 :
Quel plaisir pour les fans du comics de Millar. Le dernier numéro des aventures de Kick-Ass vient à peine de sortir, après cinq mois d'attente, que c'est au tour du film de reprendre cette première aventure pour la porter sur grand-écran. Si, d'habitude, ce sont davantage les super-héros Marvel et DC qui remplissent les salles obscures (et les années à venir s'annoncent très chargées de ce côté), il existe des comics plus indépendants qui ont tout autant d'intérêt de se dévoiler sur un long-métrage. On aurait pu penser que le succès du décomplexé et Rock'n'Roll Iron Man, ainsi que celui davantage critique du presqu'inadaptable Watchmen, à l'univers très typique, aideraient à pousser ce genre d’œuvre ; eh bien non.
Kick-Ass a été boudé par les studios, parce que jugé trop violent, trop trash pour le public. Ah ces Américains et leur bienpensance... En fait, plus que les scènes de combats sanglants, de décapitations et démembrements directement tirées du comics, c'était le fait d'avoir une gamine de onze ans (Chloë Grace Moretz) balancer réplique vulgaire sur réplique vulgaire, et tuer à la pelle sans sourciller. Si les superhéros ont une éthique, dans Kick-Ass, il n'y en a pas. Un peu comme Watchmen en fait ; ceux qui pensaient y trouver un film classique du genre risquaient d'être bien surpris devant le ton adopté. En diminuant juste un peu le côté gore, tout ce que le comics a fait, le film l'a retranscrit. Et, comme les deux médiums ont été développés de concert entre Vaughn et Millar, on peut affirmer, sans trop se tromper, qu'il s'agit d'une des meilleures adaptations de comic books - jusqu'à avoir une mise en abîme délectable.
Ainsi, on retrouve donc Dave et ses potes, tous les trois plus occupés à fantasmer sur les filles du lycée et s'adonner à des occupations typiquement geeks que de prendre leur vie en main. Jusqu'au jour où Dave a l'idée farfelue d'inventer un superhéros réel qui puisse rendre la ville plus sûre. Sauf qu'avec sa combinaison de plongée verte et jaune, il va avoir bien du mal à se faire respecter, et essuiera plus de coups qu'il en donnera. Au final, sa témérité l'emportera et il va devenir un phénomène culturel à part entière, ainsi qu'une source d'inspiration pour ceux qui, jusque là, n'osaient pas bouger. Toutefois, bien trop confiant en lui, Dave va s'attaquer à de plus en plus gros, et se retrouver mêler à des histoires dangereuses, notamment lorsqu'il fait la connaissance d'Hit-Girl et Big Daddy, tous deux agissant de façon bien plus professionnelle et radicale. Je vais être franc, le film fonctionne très bien et est excellent jusqu'à l'arrivée de ce duo père/fille. À partir de ce moment, ce qui fonctionne plus ou moins dans le comics, devient juste exagéré dans le film qui partait sur une base réaliste. Effectivement, c'est fun de voir Hit Girl, du haut de ses dix ans, dézinguer une pièce remplie de bandits, et repeindre les murs en rouge, mais ça ne fonctionne pas plus que ça.
Et c'est cet aspect complètement déluré et improbable qui se greffe petit-à-petit qui rend le long-métrage assez bancal, jusqu'à un finale bien trop fantaisiste qui contraste nettement avec le contexte posé dès le départ. Pourtant, l'intrigue est très fidèle au comics, jusqu'à la moitié de ce dernier tout du moins, réagençant ensuite quelques situations et personnages pour rendre l'ensemble plus fluide, plus sensé, et plus propice au cinéma. Cette lecture légèrement différente en apparence - qui donne finalement lieu aux mêmes conclusions - fonctionne sans mal et il faudrait être de mauvaise foi pour dire que l'histoire originelle n'a pas été respectée. Néanmoins, l'univers qui en ressort a plus de mal à convaincre, dans son développement, que sa contrepartie dessinée. Ce qui est bien dommage car tout le reste a également été très soigné donnant, par moment, l'impression que le comics s'anime devant nos yeux.
Matthew Vaughn, pourtant plus connu pour son rôle de producteur que de réalisateur, est parvenu, à la façon d'un Snyder, à reproduire plusieurs scènes dessinées presqu'à l'identique à la caméra. Si Watchmen et 300 avaient pour eux de prendre part dans un univers très esthétique, propice aux aménagements et prises de vues stylisés, Kick-Ass, lui, est avant tout un film basé dans la réalité. C'est donc d'autant plus plaisant de voir de tels plans tirés du papier émerger à l'écran sans faire tâche. D'ailleurs, le risque venait des costumes qui subissent généralement des réaménagements, voire des refontes totales, pour passer l'étape de l'écran et ne pas apparaître trop ridicules. Celui de Kick-Ass n'a subi aucune altération puisque le but est quand même qu'il reste ridicule, mais, eh, il a quand même un peu la classe Aaron Johnson là-dedans. Pour les autres personnages costumés, il y a eu des modifications légères pour moderniser Hit-Girl, un peu plus importantes sur Red Mist qui change de coupe et adopte un costume bicolore, et drastiques sur le design de Big Daddy qui passe de Leatherface à un croisement entre le Hibou et Batman (ce qui donne lieu à quelques blagues sympas). Un ensemble qui passe, pour le coup, très bien le cap de la pellicule même si on peut parfois ressentir un petit côté cheap, appuyé par certains effets spéciaux assez basiques.
Néanmoins, Matthew Vaughn regorge d'idées éblouissantes pour donner cohésion au tout et surtout apporter consistance à cet univers un peu déluré. Sa mise en scène est limpide et il emploie de nombreux plans de situation qui apportent ce côté cinématographique, tout en insérant de nombreux cadrages sur les visages des persos lors des affrontements, de quoi bien profiter de leurs réactions. Par ailleurs, ses transitions sont inventives, et ses combats très dynamiques et bien filmés avec quelques ralentis et accélérations. Mais, le must, c'est indéniablement ce duo de plans Red Mist/Kick-Ass et Hit Girl/Kick-Ass en voiture, qui sont juste somptueux, avec la photographie pétillante de Ben Davis et ce feeling très aérien et artistique qui apportent une réelle plus-value au film. Hormis le visuel, il y a aussi l'ensemble des textes qui est tiré, parfois mot pour mot, du comics, à l'instar de la voix off de Dave (avec ce franchissement du "quatrième mur" qui rappelle Deadpool), ou toutes les références geek qui parsèment la pellicule.
Si globalement, le film adopte un ton similaire au comics, on peut néanmoins y noter une approche assez différente. Tout d'abord avec la profusion d'humour qui, sans être non plus démentielle, a une place assez importante au travers des répliques cocasses, des gags, ou autres situations burlesques qui n'étaient pas le centre d'intérêt de Millar, même s'il glissait quelques tirades du genre par endroit. Du coup, Kick-Ass débute assez légèrement, comme un teen movie, et conserve une approche innocente qui, petit à petit, va se transformer en un pic soudain très sombre (et un climax très intense) pour revenir à une ambiance plus délurée. Il persiste, tout de même, dans ce long métrage, un fort esprit orienté ado et une accumulation de clichés qui rendent l'ensemble un peu pataud, à l'instar des scènes au lycée ou entre jeunes, ou bien le héros en proie au doute qui veut raccrocher le costume, la copine qui s'inquiète,... ainsi que l'abondance d'humour déjà évoquée, qui font parfois penser à un remake de Superhero Movie, en version sérieuse.
Heureusement que le casting assure et se prend totalement au jeu. Aaron Johnson est clairement excellent en ado geek mal à l'aise avec les filles, et pétochard dans sa combinaison face aux gangsters sans scrupules. Pareillement, ses sursauts de confiance rendent le tout hilarant. Même si, au final, on aurait plus vu Evan Peters dans le rôle de Dave (physiquement), plutôt qu'en simple pote. Chloë Grace Moretz joue une Hit-Girl déjantée et complètement similaire à la version du comics même si, personnellement, je n'y ai pas accroché. Plus discutable, c'est Nicolas Cage qui campe le père et Big Daddy, dont le jeu fonctionne à certains moments, et à d'autres apparaît juste faux. Christopher Mintz-Plasse, lui, est excellent dans son rôle de gamin gâté qui veut jouer au méchant, et se déguise en Red Mist (dont le rôle est dévoilé aussitôt - dommage). Enfin, dernière addition notable, c'est Mark Strong, interprétant Frank D'Amico (le John Genovese du comics), qui délivre un prestation vraiment solide, avec tout ce charme british qui lui est propre. Un acteur caméléon, qui joue encore le méchant, mais on adore ça.
Mais, pour moi, le vrai point brillant du film, c'est sa bande-son qui lui confère réellement toute son ambiance à chaque instant et rend beaucoup de scènes jouissives. Avec l'Electro Punk/Rock décomplexée de The Prodigy, le premier thème de Kick-Ass nous introduit et résume parfaitement le personnage. Par ailleurs, l'équipe de compositeur à la tâche rendrait jaloux n'importe quelle production super-héroïque. Il y a tout d'abord Henry Jackman qui conçoit un thème principal magistral, à coup de riffs Rock, de batterie et de cuivres triomphants, qu'il restitue à de nombreuses reprises et sous différentes formes. Et puis le doigté inégalable de John Murphy, primordial pour les climax, et qui se reconnaît instantanément, mélangeant ambiances et cordes progressives. D'excellentes pièces de tensions qui remontent le long-métrage vers une optique artistique. Le combo Jackman/Murphy est d'ailleurs extraordinaire sur ce film. Enfin, les deux autres compositeurs, Marius De Vries et Ilan Eshkeri, tempèrent davantage avec des morceaux plus subtils. La bande-son est vraiment construite dans l'esprit des films du genre, mais on note vraiment une touche artistique supplémentaire. Il y a même un ajout de Danny Elfman, clin d’œil direct au comics. Et d'autres chansons originales d'artistes Pop/Rock/Electro bienséantes avec l'esprit jeune du film. Néanmoins, un écueil dans cette réussite : trop de musiques empruntées à droite et à gauche, et l'utilisation de pistes marquantes issues d'autres films (Sunshine, 28 Jours Plus Tard, Et Pour Quelques Dollars De Plus) réemployées lors de scènes phares, ça a pour effet de tuer l'intensité de la scène, surtout quand elles étaient utilisées dans un tout autre contexte.
En fin de compte, malgré ses quelques divergences, Kick-Ass demeure une des adaptations les plus honnêtes du marché, parvenant étonnamment à retranscrire tout un univers déluré sur grand écran et à le rendre, plus ou moins, crédible, notamment grâce à une bande-son excellente. Si l'aspect humoristique prédomine, jamais trop n'en est fait et Matthew Vaughn a vraiment réussi à conserver l'essence du personnage, tout en gardant l'esprit trash et vulgaire également très typique de la version dessinée ; chose assez rare de nos jours. Je reste toutefois convaincu que cette Hit Girl dessert le film qui veut parfois vraiment trop en faire par rapport à son propos de base et finit par ressembler à un film super-héroïque classique, alors que l'intérêt est, justement, d'y être différent.