Les histoires les plus simples sont parfois les plus efficaces.
Les scénarios les plus basiques sont parfois les plus surprenants.
Les films qui ont l’air des plus banals sont parfois des plus ambitieux.


De quoi à l’air Kidnappés à première vue ? D’un simple home-invasion indépendant espagnol à petit budget. À quoi pourrait-on alors s’attendre ? À ce genre de film dans lesquels un élément perturbateur est connu et attendu, mais dans lequel on n’espère que sa venue, ne portant aucun intérêt à tout ce qu’il y a avant, tout ce superficiel qui n’est présent que pour raconter une histoire qui n’a pour seul but que de faire patienter le spectateur.


En soi, Kidnappés est donc une œuvre qui n’a aucune prétention, et qui n’a tout bonnement aucune promesse à tenir. C’est là que, de même que ces individus qui s’introduisent violemment dans cette demeure, un certain génie cinématographique vient défoncer notre propre écran.
Ainsi, l’immersion dans le film est totale et absolue. Nul besoin d’attendre un événement choc pour être impliqué.


Déjà, la scène d’introduction est phénoménale. On y découvre ce qui sera l’essence même des 80 minutes qui suivront : des images à la fois belles et sales, une ambiance des plus malsaines, une mise en scène astucieuse, et une caméra portée exemplaire.


Ensuite, la découverte des protagonistes est également remarquable. On sait d’avance ce qui va finir par arriver, mais on se prend malgré tout d’affection pour eux, on s’y attache un minimum, on accepte leur vie, on écoute ce qu’ils prévoient et oublie presque… Mais ça arrive… Ils arrivent.
A partir de là, la tension est palpable sans temps mort. Sans être insoutenable, le récit devient de plus en plus nerveux. C’est là que l’on comprend à quel point l’utilisation du plan-séquence est remarquable. Si l’on peut reprocher à certains films de ne l’utiliser que pour l’aspect technique, ici il nous plonge dans le malaise, il nous kidnappe. Pleinement justifié, il s’associe à merveille à deux reprises au split-screen. (Avouons d’ailleurs que le second split-screen s’achève de façon magistrale).


On pourra reprocher au récit de tomber dans quelques clichés, mais je trouve que ce n’est pas le cas. Il y a bien des choses déjà vues mais au fond, elles sont inévitables. Les événements les plus « grossiers » sont habilement déjoués, permettant au film d’alimenter son cachet unique.
On a reproché au film d’aller trop loin, d’être parfois d’une violence gratuite. Encore une fois, je ne suis pas d’accord. La violence est plus psychologique, la caméra évitant parfois habilement de montrer le pire. Mais ne pensez tout de même pas vous trouver devant un film aseptisé : le sang et les cris sont bien de la partie. De même, la caméra joue parfois sur la question de montrer ou cacher.


Ce qui en fait une œuvre forte est également son premier degré constant. Contrairement à beaucoup, il ne tombe à aucun moment dans l’humour ou le second degré, si ce n’est par le biais d’une musique qui nous ramènera, encore une fois sauvagement, à la réalité.


Après un tel choc, on n’aura de toute façon qu’une seule envie : passer à autre chose, peut-être pas oublier (on restera marqué), mais ne plus être enfermé dans ce glauque et cette poisse.


Kidnappés pourrait être à la fois l'alter-ego espagnol de Funny Games, et à la fois son antonyme. Mais c'est avant tout le renouvellement d’un genre fermé, qui ne semblait pas pouvoir connaître de tel changement, et qui n’en connaîtra sûrement plus avant très longtemps.


Cinéma, personnages, spectateurs, tout ce que laisse derrière lui Kidnappés n’est que débris.

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le 2 juin 2015

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TheBadBreaker

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