Ce film a 20 ans et semble encore toujours d’actualité, deux décennies de sensibilisation contre le virus du SIDA pour en arriver quasiment au même stade, j’ai entendu dire qu’encore aujourd’hui 1 jeune sur 3 n’utilise pas de préservatif, donc à qui la faute ? "Kids" était pourtant là en 1994 comme une oeuvre singulièrement préventive.
Larry Clark filme cette jeunesse suintante d’hormones en ébullition, ne songeant qu’à défleurer, picolant et fumant des sbarres, il tient à démarquer les mâles des femelles, la première catégorie étant un groupuscule de vicieux précocement en proie au priapisme, la seconde de petites loulouttes dociles et résolument victimes de mains baladeuses dans leurs petites culottes en dentelles, l’alchimie saupoudrée des vapeurs d’alcool et de fumée de ganja enfantera le pire, symptomatique d’une folie animale insouciante et inconsciente.
Ce qu’il y a d’intéressant dans ce film c’est qu’il n’y a pas de réelle empathie, on est loin d’un "Philadelphia", ces jeunes gens sont dépeints avec énormément de mépris, franchement ils sont insupportables, toute cette beaufitude est consternante, pendant 1h30 ça ne parle que de bite, de chatte, d’expérience sexuelle, d’homophobie, et le seul moment où la maladie est évoquée c’est pour en conclure que ça n’est qu’une sorte de légende urbaine, cette bande de cons préfère en ricaner entre deux gorgés de bière tiède.
Le personnage de Chloë Sevigny est le point d’encrage de "Kids", dont on annonce la séropositivité comme si on lui avait diagnostiquée une angine, elle déambulera dans l’indifférence à la recherche de son bourreau vaginal, entre solitude, larmes de désespoir et constante léthargie, c’est la seule et unique personne pour laquelle on peut avoir un minimum de sympathie.
Mais de manière générale le constat est accablant, personne n’est réellement à sauver, on ressent un léger sentiment de misanthropie, et Clark ne se prive pas pour noircir le tableau jusqu’au bout, entre le fléau serial-fucker qui culbute à tour de verge, l’arroseur arrosé nécrophile et ces gosses affalés au sol bouche béante, le final résonne comme une introduction post-apocalyptique à la morale terriblement acerbe.
"Kids" est un film coup de poing volontairement sarcastique et grinçant qui met en exergue la naïveté de cette jeunesse favorisant les plaisirs artificiels tandis que la plus macabre des réalités les guettent le sourire en coin, Larry Clark réussi a capter avec talent tout ce marasme dégoulinant et se pose comme un réalisateur couillu qui ose faire élever les consciences sans les brosser dans le sens du poil, la faute en revient à cette inconscience, toutes les préventions du monde n’y changeront malheureusement rien.