Cinq ans après l'accueil mitigé de son "Jackie Brown" jugé trop soft par les fans de la première heure attendant un nouveau défouloir ultra-violent, Quentin Tarantino revient avec une histoire imaginée avec sa muse Uma Thurman, un gigantesque hommage à la série B dans ses formes les plus diverses et variées, scindé en deux parties compte tenue de la longueur peu habituelle du bouzin.

Pour cette première partie, Tarantino fait le choix de tout miser sur l'excès, de privilégier le fun et l'éclate pure, réservant la profondeur pour la seconde partie. Le spectateur assiste ainsi à près de deux heures d'un spectacle grandiose mené à un rythme effréné, Tarantino balançant dans sa marmite tous les ingrédients lui tombant sous la main, tel un sorcier sous ecstasy.

Le metteur en scène de "Pulp Fiction" mixe les éléments les plus populaires du cinéma qu'il affectionne personnellement, qu'il s'agisse du chambara japonais ou du western italien, tout y passe dans un maelstrom fou furieux, ne laissant à son audience aucun répit, déconstruisant une fois de plus les genres pour mieux se les réapproprier. La démarche peut finir par agacer sur la durée, d'autant que Tarantino y va avec la subtilité d'un klingon mais il faut reconnaître que le résultat défouraille sévère.

Faisant preuve d'une maîtrise incroyable de l'espace et des chorégraphies pour un premier film d'action, Tarantino offre un lot conséquent de séquences mémorables, allant d'une ouverture à la beauté funèbre à un flashback animé par le studio japonais Production I.G, en passant par un jeu de massacre final absolument jouissif au gore cartoonesque digne des grandes heures de la Trauma.

Qui dit Tarantino dit forcément casting exceptionnel et ce premier volume de "Kill Bill" n'échappe pas à la règle, porté par une Uma Thurman impliquée comme jamais, aussi belle que dangereuse et émouvante (la scène où elle se réveille du coma et se rend compte qu'elle ne porte plus son enfant en elle est foutrement douloureuse), secondée par une flopée de seconds rôles inoubliables comme Sonny Chiba ou Lucy Liu, même si beaucoup ne font ici que de la figuration, à l'image de Daryl Hannah ou de Michael Madsen et David Carradine.

Baroque comme du Kawajiri, aussi barré que du Corbucci, violent comme du Misumi, aussi pop et bariolé qu'un Suzuki et empreint d'un lyrisme digne d'un Sergio Leone, "Kill Bill: volume 1" est un joyeux bordel aussi généreux qu'épuisant, aussi orgasmique qu'il pourra paraître superficiel pour certains, vibrant hommage à tout un pan du cinéma bénéficiant comme toujours chez Tarantino d'une bande originale du feu de Dieu, et dont la profondeur et la sensibilité ne sera révélé que plus tard.
Gand-Alf
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ces films qui me donnent la pêche., Repliques cultes., Gand-Alf and Emma Peel's Excellent Bluraythèque., Un film, une scène. et Vus au cinéma.

Créée

le 13 nov. 2013

Critique lue 4.2K fois

56 j'aime

4 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 4.2K fois

56
4

D'autres avis sur Kill Bill - Volume 1

Kill Bill - Volume 1
Prodigy
5

Critique de Kill Bill - Volume 1 par Prodigy

Un panaché lourdingue d'idées et de scènes piquées aux autres : un peu de Jeu de la mort, un peu de Lady Snowblood (à qui QT a même piqué l'interlude animé), du chambara, du western spaghetti, une...

le 8 mai 2010

116 j'aime

28

Kill Bill - Volume 1
DjeeVanCleef
9

Sa déclaration.

Parfois on assiste à des déclarations d'amour. Tu sais ? Ces moments qui te font t'arrêter, te mettre en pause pour les contempler. Directes et folles, spontanément irréfléchies, totalement franches,...

le 24 nov. 2013

109 j'aime

14

Kill Bill - Volume 1
Velvetman
9

"It’s a little late for an apology"

Après un Jackie Brown qui délaissait la violence caractéristique du réalisateur, Quentin Tarantino rebrousse chemin et signe une œuvre qui dévoile, son véritable amour pour son art. C’est une...

le 8 janv. 2016

89 j'aime

11

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

269 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

212 j'aime

20