Pour ce Volume 1, Tarantino lorgne aussi bien sur le western que sur le chanbara. Tirant la quintessence d'une culture extensive doublée d'un véritable talent de scénariste lui permettant de régurgiter un ensemble aggloméré et cohérent, le papa de Pulp Fiction en extrait une oeuvre jubilatoire, le premier véritable film de scalp et des pieds.
Graphique d'influences
Passé le proverbe tout droit sortie de Star Trek et une introduction en noir et blanc qui annonce la couleur, QT convoque Corbucci, Romero, Clouse - au travers du costume de Bruce Lee de la Mariée, identifiable au premier coup d'oeil - ou encore Leone. Kill Bill est façonné et assemblé à partir d'une infinité d'influences, et le patchwork pourrait être qualifié d' "eastern spaghetti bolognaise". La vengeance et l'amour en seront les moteurs, le volume 1 se concentre sans serpenter sur la rétribution aveugle et implacable plutôt que sur le pendant humain du personnage de -BIP-, crée conjointement par Quentin et Uma. Sur le plan visuel, les idées/emprunts au cinéma et à l'animation foisonnent et fusionnent en une immense explosion de couleurs et de saveurs. La violence est stylisée au maximum: geysers de sang, membres sectionnés, corps mutilés: effet boeuf (de Kobe) garanti ! Surtout après la rencontre entre The Bride et Sonny Chiba, le fameux Hattori Hanzo, qui aurait très bien pu s'appeler Hattori Sanzot, tant ses sabres entraînent irrémédiablement hectolitres de sang et découpage de membres en quantités industrielles, façon boucherie.
Le Jeu de la Mort et du hasard
La mort a été évoquée, quant au hasard, QT a veillé à ce qu'il n'y en ait pas. Tout est là pour une raison, l'enchaînement des évènements est tout à fait naturel. Si les enjeux ne sont pas encore totalement clairs, les personnages font parler leur lame ou leur verbe et sont tous plus charismatiques ou cocasses les uns que les autres. Gordon Liu est de la partie, Sonny Chiba on l'a vu, tout comme Kenji Ohba et sa quasi-synophridie - les compères se croisent à nouveau, bien des années après X-Or. Mais surtout, il y a la Deadly Viper Assassination Squad. Le seul nom de l'équipe envoie déjà du rêve, sans compter leur surnom venimeux. O-Ren Ishii/Cottonmouth, son charme oriental et fatal, comme Sofie, qui l'assiste. Vernita Green/Copperhead. Elle Driver/California Mountain Snake (Daryl Hannah rappellera un autre serpent, un certain S.Plissken au féminin, j'y ai également vu un peu de Pris de Blade Runner). Budd/Sidewinder, en retrait dans ce premier Volume. -BIP-/The Bride/Black Mamba (number 5) et enfin le Snake Charmer, le King Fou, Bill. Les femmes sont mises à l'honneur dans Kill Bill. Elles sont belles, elles sont fortes, elles sont mortelles. Cela dit, aux yeux de la Mariée, la plus redoutable des vipères aux poings, elles seront surtout de simples mortelles.
Uma After All
Quentin ne chambarasse pas de circonvolutions, les 1h50 passent crème grâce à une gestion du rythme millimétrée, à une maîtrise du montage, au recours à des effets nombreux et variés (voir la séquence signée Production IG), à une utilisation intelligente de la caméra, délimitant parfaitement un périmètre. En témoigne la séquence précédent le massacre avec les 88 fous, lors de laquelle nous avons droit à une reconnaissance des lieux alors que nous suivons Black Mamba jusqu'aux toilettes - sans doute sait-elle qu'Oren y...va. Les combats à l'arme blanche sont chorégraphiés proprement. A défaut d'être toujours crédibles, ils sont bien mis en scène et envoient ce qu'il faut de poésie. Des sabres émouvants qui ensevelissent le spectateur sous une montagne d'émotions. La bande son est tout aussi exceptionnelle. De RZA au fameux "Téléfoot fetish" en passant par Santa Esmeralda et même le thème de Lady Snowblood, la musique rendra nombre de scènes iconiques.
Un dernier mot adressé au réalisateur: avoue-le QT, ton Kill Bill, c'est La mariée était en noir. Ne nous prends pas pour des truffes, oh !