On peut trouver que c'est trop violent, que le scénario est facile, que c'est "too much", qu'il y a trop de couleurs, trop de giclées de sang, trop d'irréalisme, trop d'absurde, trop de grotesque.
Ou on peut juste fermer sa gueule et ouvrir grand les yeux. Apprécier simplement l'accumulation de plans plus léchés les uns que les autres, d'excès grandioses, de beautés d'acier et de lames froides, de sublime. Apprécier l'atmosphère.
C'est probablement ce qui est à la fois le plus dur à décrire et à créer au cinéma: une atmosphère. C'est si difficile à formuler en mots, et c'est impossible à réduire à une somme d'ingrédients. Pourtant, par une sorte d'alchimie miraculeuse, certains créateurs y parviennent. Dans une forme de transmutation magique, par un mélange adéquat de composants judicieusement dosés, ils donnent une âme à leur oeuvre.
Ici, ça commence par Uma Thurman, beauté glacée, presque repoussante, personnification de la rage, d'une soif intarissable de vengeance, qui est mise en scène dans une position ambivalente, à la fois objet d'identification et créature monstrueuse.
Ca vient ensuite d'une réalisation d'une précision et d'une fantaisie dantesques, les plans lents qui construisent le bushido des samuraïs alternant avec les scènes de combat absurdes et jouissives.
Enfin, c'est un scénario aux enjeux simples, mais si faciles à partager, à incarner, qui parachève cette chapelle Sixtine du katana. Les motivations claires, binaires, des personnages, leur construction à la fois monolithique et épique, tout cela les élève à un rang de figure mythologique ce qui donne à l'intrigue une portée de récit fondateur, d'autant plus percutant qu'il est si évident, si violent, et porté par une BO toujours excessive.
Kill Bill, c'est grotesque, c'est sublime. Victor Hugo approuve.
C'est facile le cinéma!