"On peut tout faire par amour, même l'impossible"
Quand j'ai vu Kill for love dans le top 25 de la rédac de Nanarland, je ne croyais qu'à moitié au fort potentiel nanar de ce film, mais je me le suis quand même procuré.
Je savais que le réalisateur, Jean-Marie Pallardy, avait fait "White fire", une œuvre culte pour la communauté de nanardeurs, mais ce film m'avait ennuyé. J'étais loin d'imaginer que Kill for love allait atteindre des sommets.
Kill for love, c'est un peu le The room français (mais en 20 fois mieux), pour son lieu principal où les personnages se croisent et se recroisent, ses histoires de trahisons amoureuses nombreuses, et pour son géniteur multi-tâches égocentrique, Pallardy étant ici, comme Tommy Wiseau, auteur, réalisateur et acteur principal.
C'est triste, mais il croit clairement en son histoire, et il croit bien trop en lui-même aussi, alors que le film est une démonstration d'incompétence démesurée.
L’argent semble avoir été investi dans le déplacement à Venise et dans la location d’une Ferrari, alors que tout ce qui importe vraiment dans la création d’un film, tout le reste, est foireux.
C’est écrit n’importe comment, les répliques sont débiles ("saloperie de tonneau !"), il y a une scène où on dirait que Pallardy dialogue seul, une autre où il parle au téléphone avec quelqu’un d’autre mais on dirait que ce sont deux dialogues différents montés ensemble, il y a des faux-raccords à gogo (ils ont quand même été trois monteurs sur le film), de longs moments de blanc, des sautes d’axe, de la surexposition fréquente, un étalonnage changeant, la nuit américaine la plus nulle que j’ai vu, qui ressemble à un effet visuel psychédélique, des bruitages hilarants, …
Les erreurs et les situations surréalistes s’enchaînent si vite qu’on a à peine le temps d’halluciner.
Les acteurs sont tous plus mauvais les uns que les autres (les petits rôles sont des pépites), mais le meilleur c’est Pallardy, ce qui lui fait un autre point commun avec Tommy Wiseau ; quel dommage qu’on le voie si peu ! Il arrive à rendre hilarantes les répliques les plus simples : j’ai vu le film avec un ami et on s’est repassé une dizaine de fois la scène où il découvre que sa fiancée le trompe et s’écrie "putain de merde, salope, je vais t’écraser !". On dirait pas comme ça, mais c’est à pleurer de rire.
La "star" du casting c’est Fabienne Carat, une actrice de Plus belle la vie, qui joue aussi mal que les autres, en fait. Elle semble avoir quand même un peu plus de ce que j’oserais appeler de l’intégrité puisque, voyant certainement comme le film allait être foireux, elle a dû refuser de doubler ses répliques en post-prod. Car effectivement, tous les personnages sont doublés, à cause d’une prise de son horrible, comme on peut le constater quand on entend le personnage de Carat. Ca donne des dialogues où le son d’ambiance varie terriblement entre ses répliques et celles de ses interlocuteurs. Le fait que sa voix soit si mal enregistrée, au milieu des répliques des autres tout à fait audible, donne l’impression que le personnage est un alien issu d’une autre dimension.
Ca a été camouflé la moitié du temps, en utilisant certains rushes avec Carat mais sans le son ; on a essayé de faire passer ça pour un effet de style, comme quand on voit un personnage au loin, mais là comme la caméra est assez proche, ça ne marche pas du tout.
Il y a un autre problème qui survient avec la post-synchro des autres personnages, puisque Pallardy a décidé de mettre ses pensées en off à un moment, or comme le montage ne montre pas forcément son visage à ce moment là, la frontière est brouillée entre les paroles en off et celles en in !
Je suis étonné qu’après tous les mauvais films que j’ai vus, je continue à être sidéré par certains, mais il faut dire que Kill for love repousse les limites de l’incompétence.
On n’a pas le temps de s’ennuyer, car il y a sans arrêt des merdes à éclater de rire.
Et quand on pense avoir déjà vu tout ce que le film pouvait offrir, il surprend à nouveau avec sa BO, la chanson au titre du film qui débarque une demie heure avant la fin.
Kill for love se conclut par un simple texte, mais lui aussi à se plier en deux.
Il est trop fort, ce Pallardy.