A la base scénariste sur des séries TV, Jeff King se lance au début des années 2000 dans la mise en scène, réalisant des épisodes de séries telles que Sydney Fox L’Aventurière (2002), Les Secrets de Blake Holsey (2004-2006) ou encore La vie Selon Annie (2005-2006). Mais rapidement lui vient l’envie de réaliser des longs métrages et, allez savoir comment, il se retrouve à mettre en image en 2008 un scénario de Steven Seagal, Killing Point (Kill Switch en VO), un film qui sera produit par Seagal lui-même via sa boite de production Steamroller Productions. Il réalisera d’ailleurs également l’année suivante un autre film de Seagal, Le Prix du Sang. Après les deux séries B plutôt recommandables qu’étaient Urban Justice (2007) et Jeu Fatal (2008), est-ce que sous la houlette de ce nouveau venu, Steven Seagal va réussir son « jamais deux sans trois » ? Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps, la réponse est non, et après deux films semblant singer un retour aux sources inespéré, ce Killing Point revient à cette bonne vieille formule du Steven Seagal des années 2000, celle du vite fait mal fait. Steven Seagal était le roi, aujourd’hui c’est un roi déchu.
La relation entre Steven Seagal et l’actrice Holly Elissa fut compliquée, et on sent la tension entre les deux dans certaines scènes. En effet, Seagal aurait fait de nombreuses avances à la demoiselle. Il lui envoyait des fleurs, des chocolats, des films en DVD, mais devant les nombreux refus de Holly Elissa, Seagal commença à développer une haine à son égard. Seagal a même essayé de la faire remplacer par une de ses amies, l’actrice Tamara Davies, pratiquante de judo / jiu-jitsu dans la vraie vie, mais le studio a refusé la demande, accentuant encore plus la dent que Seagal avait envers l’actrice. Cela l’énervait tellement, qu’il a balancée l’acteur Mark Collie par la fenêtre parce qu’il n’arrivait pas obtenir ce qu’il voulait. Le réalisateur Jeff King a même menacé Seagal que, s’il n’arrêtait pas ses conneries, il le ferait virer et remplacer par Christophe Lambert ou Rutger Hauer. Ambiance… A l’instar de son film de 1997, L’Ombre Blanche, notre Panda de plus en plus Bouffi va être à la poursuite d’un serial killer dans un film qui s’inspire par exemple du Seven de David Fincher, sans jamais lui arriver ne serait-ce qu’au niveau du petit orteil. La grosse différence, c’est que dans un film de Steven Seagal, l’enquête va se résoudre à grands coups dans la glotte et de balles dans le buffet par dizaines. C’est particulier comme méthode, mais ça a le mérite d’être direct et efficace, du moins dans Killing Point, et ce malgré des méchants bien barrés comme on en voit que dans des séries B du genre, aux motivations tout aussi improbables qu’obscures. De toutes façons, le scénario n’a aucun sens, sans parler des scènes qui ne sont là que pour du remplissage, à commencer par la scène de flashback nous racontant le traumatisme du personnage de Seagal et qui, au final, ne sert strictement à rien dans l’histoire.
La mise en scène est catastrophique. Le réalisateur remplit son film d‘effets qu’il doit trouver cool, mais qui sont d’une lourdeur sans nom. Et ça arrive dès la 5ème minute avec ce plan du méchant éjecté par la fenêtre qu’on voit 10 fois d’affilé en l’espace de 4 ou 5 secondes. 10 fois ! Et ce processus reviendra à plusieurs reprises, parfois sans que ça n’ait aucun intérêt. Dans les années 80, le cinéma de Hong Kong utilisait par exemple souvent ce processus pour montrer une cascade impressionnante, mais ici, on y a droit même quand il n’y a rien de particulier ! Et comme c’est le retour du doubleur de Steven Seagal, qui en plus n’a même pas la même coiffure, et qu’il faut cacher la misère lors des combats, c’est filmé absolument n’importe comment, une succession de gros plans dans un montage frénétique et épileptique au point qu’on ne comprend strictement rien à ce qu’il se passe, avec des gros plans de la tête de Seagal qui arrivent de façon random comme pour nous dire « regardez, c’est Seagal qui bastonne », alors que ce n’est là, avec les nombreux plans où on voit la doublure de dos, que pour augmenter la durée des combats. Sauf que la spécialité de Seagal, ça reste quand même de mettre un mec à terre à 3 secondes, avec 1 ou 2 coups bien placés. Là, ça dure des plombes artificiellement. Le côté bourrin compense un peu la chose, mais même là ils ne sont pas capables de faire les choses correctement. J’en veux pour preuve cette scène dans laquelle Steven fait perdre, de façon peu orthodoxe, quelques dents à un sbire dans un bar. Le plan suivant, il a de nouveau toutes ses dents. Ce n’est qu’un détail, mais le film dans son intégralité est parsemé d’incohérences au point que ça sent le jemenfoutisme à plein nez. C’est dommage car Steven Seagal offre une performance plutôt correcte et semble intéressé par ce qu’il fait. Même lorsqu’il prononce ses répliques, il y a un minimum d’intonations, là où encore 2 ou 3 films en arrière, il marmonnait de façon monocorde. Mais pour une fois, ce n’est pas lui qui gâche le film, mais bien le scénario foireux et la mise en scène apocalyptique.
Alors qu’on aurait pu croire à une reprise en main de sa carrière avec deux films plutôt corrects, Steven Seagal replonge de nouveau avec Killing Point dans les tréfonds obscurs du DTV très bas de gamme. Néanmoins, ce coup-ci, ce n’est pas lui le fautif.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-killing-point-de-jeff-king-2008/