Kimi, écris ma critique !
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le 26 juil. 2022
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Il y a deux façons d'appréhender Kimi : soit en le voyant comme un thriller transposé dans la société contemporaine et on pourra légitimement être déçu par une intrigue déjà vue mille fois s'achevant par une pirouette WTF. Soit en le voyant d'abord par rapport à l'univers qu'il nous dépeint, un néo-Gattaca achevé à l'ère d'Amazon, en considérant l'intrigue comme secondaire. D'ailleurs, il n'est pas impossible que Soderbergh ait voulu jouer sur les deux tableaux en réalisant un film "netflixable" avec une composante de simple divertissement du samedi soir et un film plus personnel, plus intellectuel. Un équilibre instable, pour sûr, chaque public risquant d'être rebuté par la part dont il ne veut pas.
En plus de ces deux approches du film, il y a aussi dans Kimi deux films différents : une première partie (en gros, 1h10) cohérente, sérieuse, réaliste, au rythme lent. Et une seconde partie (les 20 dernières minutes) qui change, involontairement semble-t-il, de ton et part dans de tels excès que l'on se demande par moment si l'on ne serait pas passé dans la comédie, le paroxysme étant sans doute atteint dans la minute finale qui clôt le film dans une happy end tellement stéréotypée qu'elle en est gênante.
Restons donc sur les qualités du film : avec Kimi, bienvenue dans le monde contemporain plus vrai que nature, bienvenue dans l'ère aseptisée du COVID-19, de l'humanité connectée et des rapports humains dématérialisés. Soderbergh sait dépeindre cet univers avec le sens esthétique aigu qu'on lui connaît (que personnellement j'adore), et avec un véritable talent pour mettre en scène nos vies connectées faites d'une permanence d'écrans, de messageries instantanées, de « visios ». Et il pousse cet univers, à travers le personnage d'Angela, jusque dans ce qu'il a de plus effrayant : la dénaturation totale de nos vies au point de transformer les individus en des sortes d'autistes isolés et sauvages. Kimi, c'est le monde d'aujourd'hui vu sous l'angle de la dystopie.
De ce point de vue, Soderbergh multiplie les clins d'œil ironiques, donnant au monde contemporain, une teinte des plus tragiques. Car ce qui frappe en premier lieu dans Kimi, ce n'est pas tant l'intrigue principale (un enregistrement compromettant), que l'aspect factice, froid, déshumanisé du monde technologique dans lequel nous avons mis un pied.
Au regard des notes médiocres que reçoit pour le moment le film et des critiques qui lui sont adressées au moment où j'écris ces lignes (février 2022), il me semble que le regard ironique de Soderbergh est rarement perçu. Certes, c'est éminemment subjectif, je vais donc tâcher d'en donner quelques illustrations :
Que reste-t-il de tout ça ? Un film très inégal avec des défauts (en particulier dans sa dernière partie) mais tout de même de vraies qualités : Soderbergh sait créer une ambiance et retranscrire à l'image l'indicible avec un talent certain : des communications virtuelles aux états psychologiques les plus variés, il manie sa caméra avec un dynamisme et un sens du cadre à la fois esthétique et particulièrement signifiant qui font de son film une œuvre captivante.
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le 26 févr. 2022
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