Giant ape vs Tyrannosaurus vs Giant Snake vs Pterodactyl vs Killer Planes vs love

King Kong, c'est l'histoire d'un groupe de types qui découvrent une île perdue au milieu d'un épais nuage de brouillard, qui accostent et qui font face à un gorille géant de 8 mètres faisant la loi en tabassant tyrannosaures, ptéranodons, serpents géants et autres créatures improbables. C'EST ÇA KING KONG.
(à partir de ce moment là, toute personne normalement constituée, c'est à dire comme moi, devrait renifler un des meilleurs films du monde)

King Kong c'est l'histoire d'un amour impossible, lien aussi insaisissable que terriblement inébranlable, entre une femme démunie et nue dans ce monde sauvage, esclave de sa propre beauté et un monstre titanesque, destructeur, ultra violent, un Roi soudainement en proie à un ennemi qu'il n'avait pas vu venir : Les sentiments. C'est ça King Kong.

Bien, maintenant, on prend ces deux scripts, on les mélange bien, on les entrelace, on touille le tout, on ajoute une trame narrative de montée en tension doucement jubilatoire vers une apothéose finale folle, et on appelle Willis O'Brien pour qu'il puisse faire en sorte, d'un coup de baguette magique, que cette grosse mélasse bordélique puisse donner une petite perle indémodable. Et paf, King Kong, la plus belle illustration du mythe de La Belle et la Bête qui ait jamais vu le jour.

Il y a une Belle capturée par une Bête. Une Bête entravée dans sa carcasse monstrueuse dont le seul moyen d'expression depuis des générations est de balancer des grosses mandales à des dinosaures et autres trucs géants et voraces. Une Bête qui est un Roi, un titan de fierté et de dignité, trônant sur son île en maître absolu et incontesté, grondant son pouvoir avec toute la hargne d'une lignée mourante, monument dantesque d'un règne animal vacillant.
La Belle, elle, est démunie, désarmée, c'est une proie. Mais elle est aussi l'image de l'Homme, posant son pied cupide sur cette île préservée du temps et de la rationalité, microcosme vivant de fantasmagories et autres rêveries. La Belle est l'image d'un violeur obstiné et aveuglé par sa soif avide. Fay Wray incarne avec une rare véracité cette pâle pureté, voile d'un autre monstre ronflant autrement plus terrible qu'un primate démesuré, une Belle indiscernable, vaguelette irisée sur une surface d'eaux croupies, étincelle de clarté dans des ténèbres de suie, n'ayant que sa limpide beauté pour contrer et amadouer le colosse bestial, représentant d'une nature dévorée, reclus, esseulé sur son rocher embrumé, l'oeil triste et la face rongée, aussi impressionnant de démesure que touchant d'une faiblesse timide, maladroite, comme un brin d'herbe jauni tentant de pousser sur une étendue de bitume mortifère.
La où il y a Bête, il y a Belle, et inversement. Et c'est cette rencontre qui amènera pour l'un comme pour l'autre la plus belle des histoires et la plus déchirante des tragédies. Elle l'a violé, il l'a sauvé, et elle l'a tué.

Kong c'est le bastion de l'imaginaire dans un monde affamé de raison, une fabuleuse illustration du mythe du continent oublié, ultime reliquat de monde perdu dominé par le dernier géant mythologique, ensemble matérialisé par un Willis O'Brien qui 8 ans après son "The Lost World", reprend le flambeau à l'animation pour inscrire à jamais son nom comme un des plus grands génies d'un cinéma jouant de l'impressionnant pour effleurer le poétique, et balafrant définitivement l'Histoire de l'empreinte-cratère du gorille le plus célèbre d'Hollywood, et sans aucun doute le plus "monumental".

La mise en scène est d'une efficacité implacable, sans respirations superflues, directe. L'arrivée sur l’île et la découverte de ce mur gigantesque, étrange rempart aussi inexpliqué qu'effrayant. Le film happe directement dans ses détonations de cuivres et vous garde agrippé. Ann est capturée et offerte au dieu Kong. Son apparition, déracinant des arbres comme un maigre rideau avant de repartir dans la nuit avec sa proie hurlante reste foutrement culte. Puis le groupe d'hommes aventureux, sauveteurs improvisés, en quête de leur actrice perdue s'enfonce dans une jungle étrange, sombre, sans repères, à l'aspect tant hostile que torturé sous son paravent de brume saumâtre et impénétrable. Leur pas timides toujours accompagnés de cette musique lourde et lancinante, vous tiraillant la glotte et jouant doucement avec vos tripes.
Encore une fois, je suis un gamin quand j'appuie sur play, et c'est toujours un peu comme tel que je profite aussi de ce film. De la charge du colossal stegosaurus, une des scènes qui aura le plus marqué mon enfance, à l'attaque de l'apatosaurus amphibie à l'étrange penchant carnivore, mâchonnant quelques infortunés du bout de son cou ondulant, l'ensemble se rapprochant doucement de l'un des duels les plus violents, puissants, marquants jamais réalisés. Kong versus Rex. Un gorille géant contre un tyrannosaure : Un rêve de gosse. Le face à face est bluffant, animé par un magicien d'une virtuosité éternelle, et le film s'offre un combat d'une rare et belle violence dans un décor d'une irréelle crédibilité qui s'ancre parmi les 10 moments les plus mémorables du Cinéma. Et la suite ne perd pas une seconde son souffle, entraînant l'ensemble dans un inexorable tourbillon jubilatoire. Kong assomme une sorte de serpent géant à nageoires, aux vagues allures d'un elasmosaurus anorexique dans ce voile d'un charme suranné à la puissance contrastée d'une gravure infernale, puis crache sa rage sur un pteranodon cleptomane, sorte de pie voleuse de bijoux, en plus balèze, tentant de chaparder, dans ses serres avides et son énorme bec affamé, la belle blonde au hullulement strident. Là encore, une scène définitivement culte, page de plus sur ce livre d'images magnifiques, tableaux contrastés de contrées oubliées. Et la Belle s'échappe...
La suite, tout le monde la connait, l'être humain, dans toute sa bonté d'âme, décide de capturer le dernier d'une descendance vénérable pour en faire une attraction juteuse, ayant ce double avantage de nous faire nous détester une seconde et d'offrir une scène de plus dans l'anthologie du Cinéma (décidément...). Ce final mémorable où Kong, sur ce toit du monde de fortune, hurle sa bestialité et crache sa dignité dans un râle mourant, souffle amère lourd de tristesse désarmée, mais pas résignée, lâchant prise après quelques bonnes baffes dans ces putains de connards d'avions. Et personne ne m'en voudra si je lâche ici à chaque fois une larme de triste haine.

J'ai lu beaucoup de critiques ici et là parlant de tel ou tel film comme étant pour tel ou untel "le meilleur film de l'Histoire du Cinéma", ou "Une leçon par celui ou celle qui a tout compris au cinéma", et en général, quand j'use de ces termes à mon tour, c'est avec un bon pesant de forte ironie (faut voir les films que j'me tape aussi remarquez), mais là, dans l'instant, j'ai aussi envie d'employer cette conception avec un certain sérieux. Je pense sincèrement que King Kong est la fleur d'une des grandes facettes du Cinéma, et un aboutissement magnifique en soi, d'une force rare.

zombiraptor

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