La sortie en avril dernier de Godzilla vs Kong, nouvel affrontement entre les deux mastodontes légendaires presque soixante ans après leur premier (King Kong vs. Godzilla en 1962), m’a donné envie de me replonger dans la série de films consacrés au gorille géant, que j’ai pour ma part découvert en 2005 avec le film de Peter Jackson mais qui, en réalité, sévit sur les écrans depuis presque quatre-vingt-dix ans maintenant !


Après quelques mois de latence (le temps passe vite !), c’est enfin parti pour une rétrospective exhaustive des neufs films dédiés au sympathique bestiau et à ses simiesques exploits. Rétrospective que j’ai naturellement démarrée avec l’étape fondatrice du mythe : le King Kong de 1933.


Un mythe figurant toujours aujourd’hui parmi les plus célèbres du cinéma et qui présente en outre la singularité d’avoir été créé uniquement pour et par le cinéma – contrairement à ses non moins fameux homologues Dracula ou Frankenstein. Un mythe né de la fructueuse collaboration entre les deux amis Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, qui se sont rencontrés quinze ans plus tôt et ont, depuis, déjà signé quelques documentaires exotiques. Un mythe pour lequel des moyens considérables furent déployés et les techniques les plus modernes de l’époque utilisées : un tournage de plus d’un an, un budget de 650.000 dollars et des effets spéciaux réalisés par le magicien Willis O'Brien (qui avait réalisé huit ans plus tôt les dinosaures du Monde Perdu).


Eh oui, parce que si les Kong des remakes de 1976 puis de 2005 seront, eux, respectivement incarnés par un acteur dans un costume de singe puis par un acteur en performance-capture, le Kong de 1933 est, lui, animé image par image à partir de plusieurs maquettes articulées de différentes tailles – auxquelles on peut ajouter une tête, une main et un pied géants pour les gros plans. Et le plus beau… c’est que ça fonctionne encore !


Que l’on parle de l’animation en stop-motion de Kong et des différents monstres, des peintures d’arrière-plan ou bien des prises de vues à travers des plaques de verre peintes (une technique alors inédite), les exploits du spécialiste des modèles réduits et des effets spéciaux Willis O'Brien continuent en effet de faire illusion aujourd’hui : King Kong existe à l’écran et je n’ai, en le regardant en 2021, aucun mal à croire qu’il ait pu marquer à vie les gamins de douze ans qui l’ont découvert à l’époque. Comme le King Kong de 2005 aura marqué, sept décennies plus tard, le gamin de douze ans que j’étais alors.


Et puisque j’évoque le remake de 2005, c’est fou comme tout le film de Peter Jackson était déjà dans celui-ci – pourtant deux fois plus court (1h35 contre 3h07). Ici, le bateau lève l’ancre après 10 minutes de film, les personnages posent le pied sur l’île après 25 minutes et Kong arrive après 40. Pourtant tout le film de 2005 s’y trouve déjà : ses personnages (Kong évidemment mais aussi Ann, Jack, Carl, Englehorn) comme son intrigue, en passant par tous ses passages clés : la traversée, l’arrivée sur l’île, l'enlèvement d'Ann, les épisodes du radeau puis du tronc au-dessus du gouffre, le combat de Kong contre un tyrannosaure (d'ailleurs, même le gag final de Kong qui essaye de refermer la mâchoire éclatée de ce dernier est déjà là !), le repaire de Kong au sommet de la falaise… jusqu’au final sur l’Empire State Building, évidemment. Même le discours sur la Belle et la Bête s’y trouve déjà.


Ce premier King Kong présente même certaines scènes absentes du remake de 2005 (ou en tout cas de son montage final – je sais qu’il y a plus d’une demi-heure de scènes coupées), comme un combat de Kong contre un serpent géant puis contre un ptérodactyle (au demeurant remplacé par des chauves-souris). Concernant le serpent géant, on pourra néanmoins se consoler avec le remake de 76, puisqu’il s’agit pour le coup du seul monstre (autre que Kong) à y être intégré. Comme quoi !


Pour en revenir à ce premier King Kong, le film est tout cas efficace de bout en bout, et d’ailleurs étonnement violent ! Le Code Hays n’entrera en effet en vigueur que l’année suivante… du coup, violence et sous-entendus sexuels sont ici de la partie, ce qui fait toujours plaisir.


Le seul bémol que je reprocherais en revanche au film serait son manque d’émotion : la technique reste impressionnante mais, passé la fascination pour son efficacité un siècle plus tard et mon intérêt toujours sincère pour ce récit et ces personnages dont je ne me lasserai certainement jamais, je n’ai pas ressenti d’émotion particulière à la vue de ce premier film. C’était bien mais c’est tout : efficace mais pas émouvant.


Ce qui en fait tout de même – je tiens à le préciser – un bien meilleur film que les trois quarts des King Kong qui l’auront suivi…


Puisqu’évidemment, le film ayant à sa sortie réalisé un carton monumental – critique comme commercial –, il a par là même engendré plusieurs suites, remakes et crossovers, à la réussite pour le moins… variable. Délicat euphémisme : on naviguera entre la merde et le chef-d’œuvre.


Toujours est-il que le premier de ces rejetons ne tardera pas à pointer le bout de son museau puisqu’il sortira dès la fin de l’année 1933 – soit huit mois seulement après le film original ! Pas le temps de niaiser.

ServalReturns
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de la saga King Kong et Le cinéma de Cooper & Schoedsack

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le 1 déc. 2021

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