King kong est l'oeuvre que Jackson à toujours voulu refaire, son challenge, son Everest à lui. Il désirait déjà à l'époque de Bad Taste refaire ce film même si ce n'était que le rêve d'un petit wannabe cinéaste de Nouvelle-Zélande qui cuisait des masques de monstre dans le four de sa mère après ses journées de travail. Après le succès de plusieurs de ses films dans la veine gorigolo, Jackson veut s'attaquer au blockbuster. Il voulait faire son King Kong avant le Seigneur des anneaux, mais pour de multiple raisons, dû mettre son film de coté pour s'attaquer de longues années durant à l'adaptation de l’œuvre de Tolkien. Une fois ce travail colossal terminé, il décide de s'attaquer dans la foulée a son film fétiche.
Le King Kong de Merian C Cooper de 1933 est un film ayant marqué de son empreinte géante (oui, c'était facile) l'histoire du cinéma et en faire un remake même avec la technologie numérique contemporaine n'est pas une mince affaire. Adapter une œuvre mondialement connue sans tomber dans la révérence excessive n'est pas à la portée de tous non plus. C'est mal connaitre ce bon vieux Pete qui ne peut s'empêcher de se laisser aller à son sens de la démesure. C'est qu'il a du mal à ne pas être lui même ce kiwi jovial joufflu. Il éprouve les pires difficultés à rester soft Peter, comme l'enfant qui ne veut pas grandir qui se trouve en lui (comme son prénom l'indique), et qui aimait tous ces films pleins de créatures atroces, de monstres géants et d’effets spéciaux à l’ancienne.
Jackson fait donc un remake à sa sauce, rempli de toute sa personnalité et y ajoute une bonne dose d'aventure et surtout d'humour à la fois sadique et enfantin qui est un peu sa marque de fabrique. On sent qu'il se délecte lorsque King Kong se bat contre trois tyrannosaures (un seul ça aurait fait trop chiche pour lui) tout en essayant de protéger sa belle comme un basketteur tente de protéger sa balle de multiples attaquants . On sent qu'il s'amuse à faire balancer son héroïne entre des lianes et les tyrannosaures comme on monte un ballet burlesque, comme ça, juste pour le plaisir et l'amusement de ses spectateurs. On sent qu'il prend son pied à nous montrer des tas de créatures plus horribles les unes que les autres afin de susciter le dégout: la scène de l'attaque des insectes dans le ravin en est un bel exemple. Bref Peter aime s’amuser avant tout et ne comptez pas trop sur lui pour faire des courbettes et s’excuser de refaire un classique, pas son genre au gaillard.
Et pourtant comme le dirait le personnage de Billy à un moment dans le film en parlant du livre « Heart of Darkness » : ce n’est pas une histoire d’aventure n’est-ce pas monsieur Hayes ? Non, pas uniquement en tout cas, car au-delà de toutes ses gaudrioles, Jackson imprime une certaine amertume à son film. Le personnage de Denham joué par Jack Black (déjà, il fallait oser) est d’ailleurs une vibrante incarnation de cette amertume. Tout au long du film, ce personnage représentant véritablement le cinéma, les arts du spectacle, le business qui lui est associé et aussi d’une certaine manière Jackson lui-même n’a pas vraiment le beau rôle. C’est un menteur, ne vivant que pour son obsession de la reconnaissance et prêt à tout, y compris à sacrifier ses amis et collègues pour parvenir à ses fins. Un bien triste personnage en somme. On sent que Jackson est peut-être un peu désabusé et lorsqu’il fait dire au personnage de Driscoll que lorsqu’on connait Denham la seule chose dont on ne peut douter, c’est sa capacité à détruire ce qu’il aime, c’est à Hollywood qu’il fait référence et peut-être un peu à lui-même. Cette mise en abîme du créateur détruisant sa créature en voulant la montrer comme un illusionniste gâcherait son tour a force de faire toujours le même est ce qui rajoute un vrai plus au film et lui donne cette ambiance en demi-teinte que j’apprécie.
Alors bien sur tout n’est pas réussi dans ce film, car a vouloir en faire trop, le réalisateur Néo-Zélandais se rate un peu. Il y a certaines séquences qui auraient pu être épiques et qui finissent par être foutraques, telle que la course poursuite au milieu du troupeau de brontosaure au final assez mal foutue, ainsi que quelques autres séquences de CGI peu inspirées, voir carrément moches. Malgré tout, j’apprécie ce King Kong qui n’arrive peut-être pas à avoir la force de son auguste prédécesseur, mais ajoute tout un tas de trucs qui en font à mon sens une réussite tout de même.
Vouloir en faire trop, voilà bien le défaut majeur de Jackson et paradoxalement sa plus grande qualité aussi. C’est cela qui fait que j’apprécie toujours de voir un film de Peter: un film venant d’un gamin perdu dans son Never Never Land cinématographique n’ayant pas les limites que s’imposeraient d’autres plus adultes mais forcément moins aventureux que lui.