Comment dire... C'est tellement expéditif avec une sorte de record de raccourcis divins en cascade, dès le départ et en crescendo, que ça en devient presque magique. Balian passe de forgeron du coin à chevalier stratège en quelques claquements de doigts, sympathise, sur le sable où son bateau s'est échoué avec son cheval juste à côté, avec le bras droit de son futur ennemi Musulman, ils sont sympas et nobles les musulmans c'est plus simple, puis se retrouve dans une sublime bâtisse impeccablement vêtu et entouré de fidèles combattants à ses côtés, genre deux jours après son arrivée à Jérusalem.
Et de là, il ne se pose même pas de questions, il va directement dans la cours caresser un cheval pour montrer qu'il s'y connaît et y croise la femme parfaite et entreprenante qui est aussi la soeur du Roi et accessoirement la femme de son pire ennemi, l'infâme Gui de Lusignan... Si c'est pas de la destinée de ouf ça.
Et il fait rien de spécial hein, il se ballade juste sans rien dire bardé d'innocence et de perfection héritée.
Et ça continue ! Il arrive chez lui dans le désert et en deux mouvements il dit : "hey mais les mecs, creusez-ici, on aura de l'eau, ça fera pousser nos plantes et notre coin pourri deviendra une vraie oasis." Balèze le gars. Et tout ça en dix répliques et à peine un mouvement de sourcil en plus.
"c'est ma terre. Qui serais-je si je n'essayais pas de la rendre meilleure ?" C'est un malin, il pose des questions plutôt que des affirmations et il répète toutes les bonnes phrases qu'il entend, ça empêche qu'on se rende compte que c'est Orlando Bloom en fait.
Et voilà Legolas envoyant du rêve. Il traverse de superbes paysages, sa propriété est agréable, son terrain coquet est rempli d'enfants joyeux et de belles servantes. La princesse débarque et les vacances se passent bien. C'est beau une propriété de noble en plein désert quand même.
C'est tellement simple. Le poids de la destinée lui tombe dessus de la plus lourde des manières et il ne veut que faire le bien sous sa forme la plus pure, avec de l'eau.
Plus tard, il n'aura qu'une réponse à l'infâme De Lusignan : "hey mon gars, si tu pars à la guerre sans eau, tu vas mourir."...
Ridley Scott a réussi à résumer l'un des plus épineux problème de l'histoire de l'humanité en un affrontement entre un super gentil et un super méchant, Gui de Lusignan le super perfide contre Balian de Ibelin l'ange divin du bien absolu. Ensuite, ce sera à Saladin de venir faire la fête mais là, ce sera entre civilisés, pour la paix.
***spoiler***Et ça monte en puissance, Balian demande carrément à la reine de devenir roturière si elle veut qu'il l'accepte. Il fustige toutes les religions en public et tout le monde l'acclame. Trop un révolutionnaire. ***spoiler***
Bref, c'est le bien pensant contre l'incarnation du mal à son paroxysme, sauf qu'ils sont du même camp ce qui évite de s'en prendre aux musulmans.
On est maintenant parfaitement en condition pour baver devant l'énorme reconstitution et les prises de vues colossales. Ridley Scott filme les champs de batailles à une échelle réellement épique. La scène du premier face à face devant le château de l'infâme Reynald "Barbe rouge" de Chatillon par exemple, est ahurissante de maîtrise spatiale. Elle montre l'échelle d'une petite troupe de cavaliers, d'une armée, d'un château bien plus lointain, d'une plaine, et du désert à l'horizon en une lignée de plans réellement massifs. Même chose pour l'armée de Croisés et leurs croix chatoyantes. C'est vraiment bluffant de gigantisme guerrier. Et la plupart des décors sont de grandioses paysages naturels.
C'est peut-être un des films les plus manichéens de la période mais ça en devient autre tellement c'est jusqu'auboutiste dans l'effort. Et visuellement, Ridley envoie du spectacle.