Alors là j'aimerais avoir le fin mot de l'histoire, comment la réalisatrice du brillant "Mustang" qui préparait ce film depuis très très longtemps, qui a vécu à LA pour se documenter, interviewer un paquet de monde, s'imprégner du climat des quartiers où tout s'est embrasé en 1992, a à tel point pu foirer son film.
La réponse facile serait : elle a dû répondre aux diktats hollywoodiens afin d'aboutir à un produit ultra-calibré. Et c'est là le plus troublant, car son "Kings" n'est pas calibré du tout, il part dans tous les sens, n'importe comment, le récit est un bordel sans nom, à tel point qu'on a parfois l'impression que le monteur était bourré, les dialogues semblent avoir été écrits par Franck Ribéry, les genres s'entremêlent de façon plus que maladroites ( Mets-toi en culotte Halle Berry pour que Daniel Craig puisse vous détacher d'un poteau où un flic vous a menottés, pendant qu'en arrière-plan les émeutes dramatiques se déroulent ), les images d'archives sont balancées à rythme régulier, histoire qu'on n'oublie pas que c'était grave quand même ce racisme, cette misère sociale, tout ça tout ça.
Pour ceux qui penseraient que j'en rajoute, je peux vous assurer que je suis dans la retenue tant ce truc frôle le surréalisme.
Mais je ne lui en veux pas à Deniz Gamze Ergüven parce qu'elle filme toujours aussi bien les ados, tous remarquables, et au fond de moi je suis persuadé que son plantage total n'est dû qu'à une chose : un accès de générosité. Ce sujet lui tenait à cœur, elle voulait tout dire, raconter la Grande et la petite histoire, tous les gens formidables qu'elle avait rencontrés au moment des repérages, et tout ça en 90 minutes.
Sur ce coup, Deniz me fait penser à un petit gars ultra-motivé au moment de faire l'amour pour la première fois. Lui aussi ça fait longtemps longtemps longtemps que l'affaire le turlupine, il s'est vachement documenté, il est chaud comme la braise, il est prêt à tout donner. Et je ne vous raconte pas la suite, il est rare dans ces moments que tu réussisses à revisiter le Kamasutra.
Bon je vous laisse, je vais revoir "Detroit"...