Depuis 50 ans, l’espionnage à l’anglaise, et toute la mythologie qui l’entoure au cinéma, nous divertie et le personnage de James Bond est celui qui a installé cette manière de percevoir l’espion anglais dans notre horizon cinématographique jusqu’à le faire devenir culte. Ce statut, le personnage l’a mérité et en a gardé le monopole des années durant ; Et si Bond est toujours l’illustration de tout un cinéma de genre, ses films ont eux aussi évolués. Par la multiplicité des interprètes du personnage d’abord, six acteurs l’ont incarné au fil des années, mais aussi par une évolution de la mise en scène en accord avec les tendances des différentes époques auxquelles les films ont été réalisés. A tel point qu’aujourd’hui le style Bond se caractérise par un enchaînement de cascades effectuées par un nouvel espion : un super-espion en quelque sorte. Et c’est ce nouveau genre d’agent secret qui s’est décliné à la TV et au cinéma ces dernières années. Ne nous le cachons pas, la classe anglaise qui déterminait James Bond paraît s’être américanisée, au détriment de ce qui faisait le charme de ses films. Pourtant, les bases du personnage, de ce genre de personnage, ne sont pas oubliées et Matthew Vaughn compte bien le prouver en rendant un vibrant hommage aux origines des espions made in Sa Majesté avec Kingsman : The Secret Service. Pari gagné ?

Kingsman, c’est avant tout un projet atypique. C’est en plein tournage de l’adaptation de Kick Ass, un comics de Mark Millar, que Matthew Vaughn et celui-ci ont l’idée de départ du film : un jeune voyou qui devient un véritable gentleman agent secret. Les scénarios du film et du comics furent écrits en même temps, avec le lot de différences que cela implique. Autant dire que sur le papier, le film promet déjà un style visuel très fort. Et après visionnage, tout donne raison à cette affirmation. Que ce soit le dynamisme des plans, la puissance des dialogues, le plaisir non dissimulé des acteurs, ou les musiques utilisées à la manière d’un Tarantino, on a l’impression de tourner les pages d’un comics à chaque changement de plan. L’influence de l’univers de la bande-dessinée américaine n’est pas dissimulée : elle est clairement assumée et revendiquée. Ceci n’est ni anodin, ni une surprise puisque Matthew Vaughn a déjà adapté deux comics : X-Men : First Class, qui a redonné un sérieux coup de fouet à l’univers du groupe de mutants made in Marvel, et Kick Ass, comme dit précédemment.

A cette influence empruntée à l’univers des comics se rajoutent celle des films d’espionnage à l’ancienne. Tout au long du film, on joue avec ces codes cinématographiques et les références au monde de James Bond sont presque prépondérantes. Les dialogues sont d’ailleurs la source principale de clins d’œil aux différents films de la saga. Mais le réalisateur ne s’arrête pas là, et ce n’est plus seulement le personnage de Ian Flemming qui est source de création dans le film. Ainsi, la production de Vaughn se bourre de références aux autres espions télévisuels et du cinéma.
Le nombre important de références à tout un pan du cinéma est peut-être le principal reproche que l’on peut faire au film. En effet, en prenant à gauche et à droite et en se cachant derrière un hommage au cinéma de genre, la réalisation perd de sa personnalité et on est en droit de se demander ce qui fait de Kingsman un film à part entière et différente de ce que l’on voit d’habitude.

La réponse à cette question se trouve dans le réalisateur du film : son nom est Vaughn, Matthew Vaughn, et quand il s’agit de se démarquer, il se pose là. La principale qualité de ce réalisateur réside dans sa faculté à créer des scènes d’une grande virtuosité. Ici, c’est une scène dans une Eglise qui illustre cela parfaitement. Ce moment est le parfait exemple de la facilité avec laquelle le réalisateur met en scène de manière très graphique et qui reste en tête même après la fin du film. Et comment parler de Mr. Vaughn sans parler de l’humour qu’il injecte au film. Si toutes les blagues ne sont pas toutes à nous faire tomber par terre, certaines sont justes exceptionnelles. En témoigne une scène de McDonald mémorable d’abord pour le dialogue qui la constitue, et pour sa chute finale. Rien que pour cela, le film est à voir en version originale.

Colin Firth campe le rôle principal du film et on ne prend pas trop de risques en affirmant que son personnage change radicalement avec le rôle de séducteur qui l’avait fait connaître dans Bridget Jones. Et pourtant, l’acteur est un parfait substitue aux autres acteurs ayant incarné James Bond. La classe façon british, pas besoin de plus. Pour lui donner la réplique, un acteur inconnu : Taron Egerton. Le jeune homme signe ici son premier rôle et donne tout ce qu’il a pour faire vivre et rendre attachant Eggsy, un jeune voyou de la banlieue londonienne qui se transforme en super-espion. Et comme Némésis à nos deux agents, quoi de mieux qu’un Samuel L. Jackson au top de sa forme ? L’acteur américain incarne un mégalomane haut en couleurs, et lui insuffle une personnalité qui contraste franchement avec l’image des grands méchant jamesbondiens de d’habitude. Et c’est tant mieux. Les running gags passent d’ailleurs par ce personnage pour leur grande majorité. Néanmoins, comme pour les références innombrables du film, son casting est aussi ce qui pourrait lui faire défaut. Avec Michael Caine et Mark Hamill en plus, on pourrait penser que Matthew Vaughn fait tout pour nous faire aimer le film et on peut se sentir un peu pousser à l’apprécier. Trop c’est trop en quelque sorte. Chacun jugera de ce surplus de bonnes choses, en bien ou en mal, mais le fait est qu’il fait plaisir de voir un cinéaste aussi amoureux d’un style de cinéma et qui use de tous les moyens à sa disposition pour nous faire partager son amour à ce genre.

Kingsman : The Secret Service est un pot pourri de bonnes idées. On n’a qu’une hâte c’est de voir la suite des aventures de ces hommes du roi. Le film s’approprie les codes des films James Bond et les utilise à son avantage, les poussant dans leurs derniers retranchements. La fille qui tombe dans les bras du super-agent qui l’a sauvé, le mégalomane fou, le gentleman britannique : tout est passé à la moulinette et en sortant on croit presque à une parodie. On a des images plein les yeux et on a même du mal à croire à ce que l’on vient de voir. Pourtant, ce n’est pas une parodie : c’est une déclaration d’amour à tout un cinéma, et rien que pour ça, le pari est bel et bien gagné.
BastienMagadoux
9
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le 17 mars 2015

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