La première fois que j'ai noté Kirikou, je n'avais pas mis une note si élevée. En effet, j'avais joué plus sur ma mémoire et sur son influence que sur les souvenirs précis que j'en avais. Or, j'ai assisté à une conférence de Michel Ocelot pour présenter le film Azur et Asmar (que je n'avais par ailleurs jamais vu). J'avais gardé de Kirikou un bon souvenir mais pas impérissable, peut-être dû au fait que je l'avais vu il y avait de longues années de ça. Pendant la conférence, un étudiant pose une question : "Pensez-vous réaliser un spin-off sur l'histoire de Karaba ?". La question ne me paraissait pas idiote mais la réponse de Michel Ocelot fut cinglante : "Non car elle a subi un viol collectif et je ne souhaite pas montrer ça à l'écran". Alors là, le choc. Il me fallait revoir ce film qui, du peu que je me rappelais, n'accordais à Karaba qu'un second plan de mégère en colère.
Première chose en commençant le film, je n'avais rien oublié. Mais vraiment rien, et c'est je pense l'apanage des plus grands films. Les décors sont tellements uniques dans un style 3D non assumé qu'ils confèrent au film une atmosphère de rêve et de volume, autant dans les courses endiablées de Kirikou que durant les plans fixes lors de sa rencontre avec son Grand père le Sage. Je regardais désormais le film à travers le prisme de la remarque de l'auteur et attendait patiemment un signe avant-coureur de ce qu'il avait avancé. Je ne me fis pas prier. Une scène à peine suggestive racontait l'origine de cette épine, scène durant laquelle nous pouvons voir les visages d'hommes groupés encerclant Karaba.
A partir de là le film prend une tout autre dimension. Toute la reconstruction morale après le viol, le soutien extérieur nécessaire, l'abandon par ceux qui connaissent son histoire mais ne savent plus quoi faire pour l'aider. Visuellement très marquant, Kirikou est un film de super-héros qui immisce une morale assez subtile pour échapper aux yeux d'un enfant, et qui saute aux yeux à l'âge adulte. La définition d'un film d'animation parfaitement réussi.