Les bruits du dessus
Bof, c'est chiant. L'idée est bonne, mais les auteurs s'attardent bien trop sur le passé de l'héroïne pour créer un suspense de papier. Les séquences sont répétitives, les décisions de l'héroïne...
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le 27 nov. 2021
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Premier film de Frida Kempff, Knackningar (parce qu'en suédois c'est plus badass) se fend d'une exposition rapidement balayée. Un plan vu d'en-haut (top shot) d'une plage, un couple de femmes qui semble heureux. Puis la même femme, Molly, quelques temps plus tard, fatiguée, tandis qu'elle peut sortir d'un asile psychiatrique.
Par fragments, on comprendra qu'il s'est joué sur cette plage figurée à l'ouverture un drame qui a secoué Molly dans ses fondations, jusqu'à déranger sa santé mentale. Mais la vie reprend. Molly s'installe dans un nouvel appartement et semble retrouver un semblant de normalité... Jusqu'à ce que des cognements contre le plafond commencent à l'obséder.
***
Knocking est un film resserré d'à peine une heure vingt à la mise en scène brillante. Tout, dans ce métrage, est signifiant et ajoute à la claustrophobie moite et à la solitude que vit Molly, campée par Cecilia Milocco (même le nom de famille de l'actrice principale est signifiant, si c'est pas du perfectionnisme ça, je ne sais pas ce que c'est).
D'abord le format: 1.66 : 1. Ni le presque-carré du quatre tiers, ni la largeur du cinémascope, il est le format idéal pour installer la tension (voir l'article de Noam Kroll en source). Associé au Super 16mm, ce format insuffle non seulement un aspect de film daté (année 80-90) et un style unique. Ce n'est pas un hasard si c'est le format utilisé par The VVitch, Orange mécanique ou encore Pi.
C'est un format idéal pour les plans rapprochés, dont Frida Kempff abreuvera son récit. Les visages remplissent le cadre jusqu'à en déborder. La caméra écrase Molly, la renferme dans son cadre serré, souvent centré. Plans qui trouveront un écho dans les dialogues, rares, avec ses quelques voisins. Presque systématiquement, les champ-contre-champ échappent à la parole: celui qui parle est hors-champ.
Décidément, la communication rompue.
Car c'est de ça que parle Knocking. D'une femme fragile, certaine de ce qu'elle entend (ces cognements persistants, et cette voix de femme qui provient du plafond, son appel à l'aide), mais que personne ne croit. Elle a beau avertir la police au cours d'un plan devenu un poncif du genre, il la prendront pour une folle. Et Kempff arrivera à embarquer le spectateur dans le doute: y a-t-il réellement une femme séquestrée dans l'appartement au-dessus de Molly ou est-elle juste folle à lier ?
Et ce problème de communication trouve écho à plusieurs éléments du long-métrage. D'abord cette télévision allumée, en fond, diffusant Persona d'Ingmar Bergman. Un autre suédois, pour un autre film parlant de femmes seules et de communication impossible.
Puis ces grues - apparaissant lors d'un bref flash-back figurant Molly et sa femme - qui crient devant sa fenêtre. Un oiseau qui symbolise la parole et ses origines. Selon les traditions bambara, c'est en effet cet oiseau qui réunit les trois attributs du verbe : la beauté, le son de sa voix et le mouvement de leurs danses nuptiales.
La même communication impossible qui traverse le long-métrage à travers les animaux qui demeurent, durant une bonne partie du récit, les seuls interlocuteurs de Molly. Cette mouche qui finira par s'échapper, cet oiseau auquel Molly tente de parler et qu'elle retrouvera mort. La grenouille écrasée sous ses souliers, donnant une transition "juteuse" (ceux qui ont vu le film comprendront) à l'épicier nous offrant une énième scène de dialogue rompu.
Pourtant, outre Molly, j'oublie de mentionner l'un des personnages les plus importants du film - celui qui permet à Knocking d'intégrer le sous-genre de l'appartement de l'angoisse à l'instar de Repulsion de Polanski ou encore de Possession de Zulawski - le domicile en lui-même.
En effet, l'appartement sera, tout au long du métrage, le reflet de l'état émotionnel de Molly. D'abord vide, en chantier, il finira par être décoré par Molly. Elle tente de se l'approprier, sans vraiment réussir à en faire une place chaleureuse. Une tâcha au plafond subsiste, malgré ses coups d'éponge. Une tâche - sa fêlure - qui enflera au court du film jusqu'à prendre feu. Molly est aux portes de la folie.
Un policier la sortira de son appartement en flammes, dans une séquence en mode subjectif lorgnant du côté de Gaspar Noé et de son Enter the void jusque dans le choix des couleurs et dans la mise en scène des clignements de paupière. Molly sera sauvée, réanimée. Et une voix dans le talkie-walkie des pompiers nous apprend qu'une femme a été retrouvée grâce à l'incendie. Une femme attachée, séquestrée, dans l'appartement suplombant celui de Molly.
Elle était lucide depuis le début.
Bref, Knocking est une belle surprise, exclu Shadowz, qui n'est pas un film de trouille mais plus à rapprocher de A ghost story dans son symbolisme et son ambiance cruelle et mélancolique. A découvrir :
Source :
https://noamkroll.com/the-magic-of-the-1-661-aspect-ratio-how-i-plan-to-use-it-on-my-feature-film/
Créée
le 26 août 2022
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