Comme dans un bon jeu de massacre, le deuxième long-métrage du réalisateur danois Johannes Nyholm, ici également scénariste et producteur, procède essentiellement par éliminations :
- Il arbore le titre d’une comptine internationalement connue - « Le coq est mort... », en français avec les paroles « Maudit sois-tu, carillonneur... » -, mais la scène d’ouverture, qui fait intervenir trois personnages de cauchemar, dispose plutôt à un film d’horreur.
- Les trois figures horrifiques apparaissent aussitôt après, peintes sur la boîte à musique contemplée dans une vitrine par une petite fille... Nous voilà prévenus : du fictif assumé à l’imaginaire débridé, voire au réel simulé, il n’y aura qu’un pas...
- De fait, après le décès bien réel d’une enfant (alors que c’était sa mère qui venait de tomber malade... La mort aurait-elle hésité dans sa cible ?), le scénario semble s’engager dans le film d’épouvante, exposant dans une série de boucles avec variantes les différentes manières dont le couple parental endeuillé va pouvoir se trouver massacré par les figures maléfiques du début. À chaque nouvelle boucle, le duo pressent un peu plus tôt le danger. Mais pourra-t-il s’y soustraire pour autant...? Effet anxiogène garanti sur le spectateur... À moins que celui-ci décide, à son tour, de s’y soustraire par le rire briseur d’angoisse. On songe au film de Kieslowski, « Le Hasard » (1981), ou encore aux légendes entourant Samarcande, avec la mort qui attend là pour accueillir celui qui, précisément, entendait lui échapper en fuyant dans cette ville... Mais l’échappatoire existe-t-elle ?
- Au moment où l’on ne s’y attendait plus, le film prend un nouveau tournant, orientant vers une lecture plus psychologique. En effet, on observe que les figures du mal (les trois Parques ?... singulièrement revues et relookées !) refluent, voire disparaissent totalement, lorsque le couple retrouve le lien affectif qui permet que chacun ne soit pas tourné uniquement vers lui-même, mais également vers l’autre...
Étayant ce parcours intérieur, cette réécriture métaphorique de la réalité rencontrée dans toute sa violence, des séquences d’animation se glissent dans le récit. Les bois qui constituaient le cadre essentiel se retrouvent ici, délicatement dessinés en noir sur un fond blanc crème. Le dessin est sobre, naïf, gentil, et la superbe musique sur instruments à cordes anciens, rappelle celle de l’envoûtant « Quand nous étions sorcières » (1990), de Nietzchka Keene. Les animaux, de touchants lapins figurés en ombres chinoises, prennent le relais des humains et reviennent sur le récit initial - la perte de l’enfant -, en le stylisant, l’esthétisant, l’adoucissant. Forme de cheminement vers une acceptation, un apaisement...?
Toujours est-il que le scénario semble s’engager sur une voie similaire, les événements eux-mêmes se faisant moins meurtriers lorsque la violence et la rancoeur animant le couple endeuillé se pacifient et osent se commuer en tendresse, traçant l’esquisse, encore incertaine, d’une issue hors de la répétition cauchemardesque. On finit, méditatifs, bien loin du film d’horreur...