Voici sans doute l’un des films les plus WTF de cette année, venu tout droit du plus profond de la Suède et du Danemark. Pour se faire une idée du niveau de bizarrerie de la chose, il faut imaginer David Lynch et Ben Wheatley qui se rencontrent et qui décident de réaliser ensemble une sorte de remake d’Un jour sans fin en mode expérimental et survival. Soit l’histoire d’un couple marqué par la mort récente de leur fille et qui, au cœur de la forêt suédoise infestée de moustiques où il est parti campé, se retrouve aux prises avec des esprits plutôt mal intentionnés qui vont s’amuser à le persécuter, encore et encore (et encore).
Tous les matins, le voilà donc attaqué par un trio inquiétant formé d’un vieux chapelier fou, d’un ogre pas bavard portant le cadavre d’un chien et d’une jeune fille aux cheveux noirs armé d’un pistolet. Johannes Nyholm n’a pas lésiné sur l’étrange, dans la forme comme dans le fond, pour raconter ce cauchemar sans fin d’une femme et d’un homme, Elin et Tobias, face à la perte de leur enfant et au délitement de leur union. Mais c’est Tobias en particulier qui paraît vivre le plus directement, ressentir le plus réellement cette situation "rejouée" en continu, anticipant chaque matin le danger qui les attend (Elin, elle, ne comprenant pas les accès soudains de panique de son mari, comme "exclue" de la boucle) et faisant tout pour y échapper (sans succès évidemment).
Par le caractère répétitif des scènes et des évènements, Nyholm exprime celui, insurmontable, d’un deuil altérant un peu plus chaque jour le ciment relationnel du couple. Perdu au centre de cette clairière-monde, luttant contre ces trois personnages échappés d’une illustration de boîte à musique (celle offerte à leur fille pour son anniversaire), Elin et Tobias meurent sans arrêt (et en d’infinies variantes) pour mieux revivre ensuite, endurer leur funeste destinée et tenter de s’en affranchir. Nyholm, malgré la dureté du sujet (et de certaines scènes), s’autorise parfois quelques touches de dérision et même d’un humour noir de sale gosse. Et si sa propension au délire finit par tourner à l’exercice de style dénué d’émotions (on se lasse plus que l’on s’émeut de ce couple méchamment chahuté) et un peu trop conscient de son étrangeté XXL, Koko-di Koko-da atteste d’assez de singularité pour garantir son petit effet cinéphilique.
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