On ne compte plus les films allemands qui resserrent leur action sur le cœur d’un été et utilisent la saison presque comme protagoniste à part entière de l’histoire, dans un rôle d’éclosoir, d’incubateur, voire de catalyseur.
La réalisatrice berlinoise Leonie Krippendorff, née le 2 mai 1985 à Berlin Ouest, place son quatrième opus dans le quartier populaire de Kreuzberg, où un groupe d’adolescentes, au seuil de l’été, promène son oisiveté de parc en piscine, sans compter les bars, les boîtes, quelques passages obligés par le lycée, et quelques autres par leurs domiciles respectifs.
Le point de vue adopté est celui de Nora, incarnée par Lena Urzendowsky et son pur visage intemporel, allant de la Madonne italienne à la petite fille de conte, posant son regard naïf et curieux sur toutes choses. Les journaux intimes étant passés de mode, c’est par le biais de son téléphone portable et de ses petits films verticaux souvent commentés en voix off, qu’elle nous livre son regard sur le monde, volontiers décalé, poétique, questionnant, introspectif, bien différent des petits films bruyants et plutôt vulgaires que peut capter sa sœur aînée, Jule (Lena Klenke). Aînée mais pas nécessairement plus mûre, ni plus réfléchie.
Livrées à elles-mêmes, du fait de la défection de leur mère, qui leur préfère la compagnie des bars, de la boisson, et de sa propre amie, les deux sœurs dérivent au fil des jours, dans l’éclat coloré de l’été, très bien saisi par la caméra chaleureuse de Martin Neumeyer. L’eau, d’abord d’une piscine, fréquentée aussi bien de jour que de nuit, puis d’un lac, joue son rôle, comme espace de rapprochement des corps, théâtre des premiers contacts troublants, hors-temps favorisant le rêve, ou encore lieu, soudain étrangement froid, de la rupture.
Car la virginale Nora croisera la route de la blonde Romy, magnifiquement campée par Jella Haase. Libre, magnétique, ambiguë, mais aussi secrètement brisée, la jeune femme, qui lui est légèrement aînée, permettra à Nora de se découvrir elle-même et d’assumer son attirance pour d’autres femmes. Une éclosion que Lena Urzendowsky rend sensible avec une délicatesse incroyable, et qui accompagne la métamorphose des chenilles qu’elle élève en somptueux papillons.
Critique également disponible sur Le Mag du Ciné : https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/kokon-film-leonie-krippendorff-avis-10057122/