Kotoko est une jeune femme atteinte de diplopie, un trouble oculaire qui double la vision de certains objets. Sauf que Kotoko semble également empreint d'une paranoïa effrayante qui la pousse à ne faire confiance à personne et à vivre dans une terreur constante. Une terreur qui se multiplie au contact de son enfant dont elle n'arrive plus à assurer la sécurité tiraillée entre ses états dépressifs extrêmes et des visions de plus en plus brutal et mêlée au réel. C'est dans ce chaos assourdissant qu'apparaît Seitaro Katana, un romancier maladroit et rêveur, fasciné par la jeune femme qu'il va se mettre en devoir d'aider..
Kotoko, c'est comme mordre dans un très beau fruit préalablement fourré de lame de rasoir. Un mélange de sucre, de couleur mais aussi de sang et de métal, signature obsessionnelle de son réalisateur qui n'est autre que l'insaisissable Shynia Tsukamoto.
Kotoko n'est pas simplement un drame, c'est également un film expérimental, une comédie, un film d'horreur, c'est un peu tout à la fois. Laissant constamment balancer son récit au gré de l'instabilité progressive du comportement de Kotoko, le film alterne entre une mise en scène très agressive à base de steadicam parkinsonienne et d'attaque sonore déstabilisant mais se rompt subitement par des instants poétiques et lunaires où Kotoko se met à chanter a cappela dans de longs plans-séquence.
Le rapport de Kotoko à la musique n'est pas étranger à sa créatrice. Cocco, chanteuse de J-Pop écrit, crée et incarne ce personnage sûrement basé sur un passif lourd (cela ne laisse que peu de doute) et le met entre les mains de Tsukamoto qui en fait un cauchemar surréaliste et poétique. Traverser d'éclats de violence furieuse (voir un peu bis parfois), "Kotoko" tiendra en haleine les plus sensitifs d'entre vous. Une œuvre complexe, pas forcément accessible, qui n'hésite pas à pousser le spectateur dans ses derniers retranchements. À déconseiller aux personnes sensibles donc, mais vous serez transportez si vous êtes de ses cinéphiles qui aiment ressentir un film et que vous êtes prêt à vous investir dans un rêve halluciné aussi sincère et fragile que perturbant et un peu effrayant.