Deux amies, comme deux sœurs, grandissent ensemble à Innu-aimun, une réserve indienne de la province de Québec, proche de la ville de Sept-Îles. Une scène dans une boîte de nuit sera manifeste des mondes cloisonnés au sein de la société canadienne et de la manière différente qu'ont Mikuan et Shaniss de les aborder. Quand Mikuan fait la rencontre de Francis, sa porte d'entrée dans le monde des possibles, le copain de Shaniss, aussi père de sa fille, s'embarque dans une altercation provoquée par des commentaires racistes, pour laquelle il n'échappera pas aux démêlés avec la justice canadienne.
Mikuan donc n'aura de cesse de s'extirper du quotidien de la réserve, trop étriquée pour ses rêves. Elle pense, parle et surtout écrit l'ailleurs. Une écriture très juste et forte sur les choses, autant pétrie de son identité indienne que de ses ambitions. Des poèmes comme des attrape-liberté. Mais la liberté est un chemin semée d'embûches pour deux jeunes femmes indiennes dans le Canada contemporain, autant pour Mikuan que Shaniss, qui, bien qu'ayant grandi ensemble, ne pourraient moins se ressembler.
Shaniss trouve refuge dans les bras de Greg, les mêmes qui, dans un accès de violence, la plongeront dans la torpeur d'une femme battue. Elle est celle qui enfante, qui met au monde pour que le legs familial et traditionnel ne disparaisse pas. Elle est la jeune femme au ventre rond, portée en symbole de la cause des femmes indiennes.
Mikuan se refuge dans l'écriture, dans le jeu avec les langues - française, québecoise, innue -. Car les mots ont un pouvoir magique ou démoniaque. Ils sont réducteurs et déshumanisants comme celui de "réserve" ou libérateurs et ambitieux, comme celui de territoire. Avide de liberté et d'ailleurs, Mikuan trouve en Francis un premier alibi pour l'accompagner vers l'ailleurs, l'aventure, l'inconnu, l'immensité de la ville, de Québec.
Adapté du roman éponyme de Naomi Fontaine, Kuessipan nous accompagne poétiquement dans l'intrication complexe du sentiment d’appartenance et des manières de vivre avec amour sa loyauté vis-à-vis de la terre sur laquelle nous avons grandi. Le film manie avec virtuosité la poésie des mots avec la violence de l'existence. A l'image du territoire innue, à la fois une bande de terre paradisiaque logée au bord de la plage et une réserve en partie asphaltée regroupant tout au plus cinq rues. Il parle avec humilité de sujets bien des fois maltraités, essorés par les débats contemporains : l'identité, la tradition, la famille, la condition féminine.
Et bien que sortir de sa condition ne va pas sans un prix terriblement lourd à payer, les ailes de la liberté semblent à portée de main, à portée de plume, trempée dans l'encre fraîche de l'ambition. Une ambition qui mène à l'évasion par les mots, par l'université, par l'éducation.