Kung foutage de gueule

Malgré tous mes efforts pour propager la bonne parole, parfois par le biais de vidéos et de gifs, il y a encore trop de personnes en ce monde qui ignorent que Jackie Chan est dieu.
Bon, le dieu du cinéma d’action, au moins. (si vous n’êtes pas d’accord, référez-vous à Police story, pour commencer)
Je conçois donc qu’on ne puisse pas comprendre que je m’efforce à regarder tous ses nouveaux films… même moi, je ne sais plus trop pourquoi je le fais. J’avais jusque là l’excuse de vouloir retrouver juste une once de ses exploits d’antan, mais ça fait un moment que Jackie Chan n’est pas apparu dans un bon film d’action, et Kung fu yoga ne semblait annoncer aucun changement. Certes, c’est réalisé par Stanley Tong, auquel on doit Police story 3 et Rumble in the Bronx, mais le titre paresseux, les affiches au mauvais goût marqué, et les bandes-annonces aux extraits douteux, ne présageaient rien de bon.

Jackie incarne un professeur d’archéologie chinois, qu’une chercheuse indienne sollicite pour l’aider à retrouver un trésor ancien. Rien d’original dans l’intrigue, classique au possible, qui nous ressort plus ou moins la formule d’Armour of god (qui était déjà un sous-Indiana Jones), mêlé à The myth, autre réalisation de Stanley Tong avec Jackie Chan, où le héros visitait déjà l’Inde, et où l’histoire et le final étaient similaires. Sauf qu’ironiquement, ici Chan fait la morale à un chasseur de reliques, alors que c’était le rôle qu’il incarnait dans les deux premiers Armour of god.
Il aurait été judicieux de prendre en compte l’âge de l’acteur principal, et ne pas le placer dans les mêmes schémas que lorsqu’il avait deux ou trois décennies de moins : même à 60 ans passés, Chan reste visiblement un héros sans attaches, qui tombe sous le charme d’une femme qui, du coup, est plus de deux fois moins âgée que lui.
Ils sont accompagnés dans l’aventure par une équipe d’archéologues qui ne servent pratiquement à rien (à part se faire capturer), et sont à peine développés, si on excepte le petit comique résolument pas drôle.
Le scénario est paresseux jusqu’au bout, se contentant de raccourcis, comme lorsque les héros ont besoin d’une foreuse et que Jackie appelle simplement son pote qui bosse sur une plateforme pétrolière, qui est déjà là à la séquence suivante. Et on a des incohérences grossières, comme le fait qu’il faille participer à une enchère pour récupérer un objet volé, ou alors que Jackie se retrouve avec un lion dans une voiture, sans raison.

Je n’ai pas envie de spoiler la fin du film, juste pour que vous soyez aussi atterrés que moi en la découvrant, mais elle est vraiment pathétique et non-sensique (j’ai retiré un point de ma note juste à cause de ça). En même temps, la boucle est bouclée, parce que Kung fu yoga s’ouvre sur une séquence d’une laideur terrible, entièrement en animation 3D, qui ressemble à une cinématique de jeu-vidéo vieux d’une dizaine d’années. Et pourtant, Kung fu yoga a été doté d’un budget de 65 millions de dollars.
On le savait déjà, les blockbusters asiatiques n’arrivent pas à rivaliser d’un point de vue technique avec leurs équivalents hollywoodiens, et pourtant les chinois cherchent à en quelque sorte moderniser leur cinéma en remplissant des films comme celui-ci d’effets spéciaux superflus, qu’ils n’ont pas les moyens de rendre potables. On se retrouve avec des plans aux effets tape-à-l’œil complètement inutiles et sans originalité, et beaucoup trop de véhicules et d’animaux clairement en CGI. Enfin, même les décors, bien que réels, font cheaps…
En fait, on n’arrive à croire en rien dans ce film : les interactions entre les personnages n’ont rien de naturel, aucune nuance, les rapports sont établis sans subtilité et font appel à de vieux clichés honteux. Dès qu’une femme sublime apparaît, c’est au ralenti, sur une musique de circonstance (ça survient pas moins de 3 fois !).
Et l’humour est tellement simpliste que ça en est navrant aussi.
On n’a rien à faire des enjeux, car le film n’est jamais assez crédible pour qu’on rentre dedans.

Je n’attendais pas grand chose des combats, et pourtant c’est ce qu’il y a de moins pauvre dans Kung fu yoga. Il y a une scène d’entraînement qui m’a fait sourire, et quelques rares touches d’inventivité à la Jackie, mais il n’y a quand même pas grand chose à se mettre sous la dent au vu de l’ensemble du film.
Trop souvent, les coups font fake, on voit que les acteurs sont aidés par des câbles (même Chan). Le montage des combats est un peu brouillon et surdécoupé, on passe trop rapidement d’un personnage à un autre de sorte qu’on ne voit jamais un enchaînement de coups bien longtemps. J’ai déjà vu bien pire dans d’autres Jackie Chan récents, mais c’est quand même très frustrant…
S’il y a quelque chose à sauver de Kung fu yoga, c’est quand même les quelques scènes d’action correctes, car autrement c’est moche et terriblement ennuyeux.
Je crois que ça ne sert plus à rien d’attendre quoi que ce soit des nouveaux Jackie Chan, même si comme un demeuré je vais continuer de les voir. Il faut se tourner vers le passé.