Ce qui est sûr, c'est qu'au moment du naufrage du Kursk, 23 sous-mariniers avaient pu se réfugier à l'arrière du sous-marin nucléaire, dans son neuvième et dernier compartiment. Ils y sont restés coincés, à plus de cent mètres sous la surface de l'eau, et ont attendu des heures, sans doute des jours et dans des conditions de plus en plus critiques qu'on vienne les en extraire.
Las ! Les équipements russes nécessaires à l'opération se sont avérés trop obsolètes pour ouvrir l'écoutille de secours. Et quand, après plusieurs tentatives infructueuses, le nouveau chef de la Flotte du Nord russe s'est enfin résigné à accepter l'aide des forces alliées et à autoriser les Britanniques à intervenir, ceux-ci ont trouvé l'ultime réduit du Kursk entièrement submergé, donc bien sûr, no survivers.
Le film de Vinterberg raconte comment l'administration russe (et ce, sans doute jusqu'au Kremlin) a, par ses atermoiements, laissé mourir le dernier carré des 118 sous-mariniers équipant ce qui avait été, jusqu'à ce funeste 12 août 2000, le joyau de leur Marine.
Le scénario adapte l'ouvrage du journaliste Robert Moore, A Time to Die: The Untold Story of the Kursk Tragedy, lequel documente brillamment la version officielle américano-russe des circonstances ayant causé la perte de ce superbe géant des mers, de 14.000 tonnes et 154 mètres de long. Il n'est romancé que par l'attribution à Mikhail Averin / Matthias Schoenaerts, seul officier des 23 survivants temporaires et principal héros de l'histoire, d'une femme (Tanya / Léa Seydoux), d'un fils et d'un bébé à naître. J'ouvre une brève parenthèse pour préciser que si le film illustre la version officielle du naufrage du Kursk, il n'est pas absolument certain que cette version officielle soit la vraie version des faits (elle est notamment contestée par le documentaire de Jean-Michel Carré : "Koursk", un sous-marin en eaux troubles https://www.youtube.com/watch?v=Oe-hCKw1FHY qui, j'ai trouvé, vaut la peine d'être vu).
Quoi qu'il en soit, il y avait là matière à un très grand film, car c'est une histoire mystérieuse et terrible que le naufrage de ce super sous-marin nucléaire russe, avec 23 valeureux marins piégés au fond de la mer de Barents qui, d'une étreinte glacée, les fait lentement périr, tandis qu'en surface, dans les bureaux du Ministère de la Marine russe, on ergote, on tergiverse, on se familiarise avec l'idée de leur sacrifice.
Ce très grand film, Vinterberg et son équipe européenne (d'ailleurs plutôt d'Europe de l'Ouest) ne nous le donnent pas vraiment, même si le métrage reconstitue vaille que vaille le lent supplice de ces marins pris au piège et attendant dans des conditions de plus en plus atroces qu'on leur porte secours et même s'il décrit de façon plus convaincante le combat en surface des familles et surtout des femmes ou mères de ces marins pour forcer l'administration russe (et en premier, les plus hautes autorités de la marine) à accélérer la prise de décisions adéquates au sauvetage des derniers survivants du navire endommagé.
Qu'est-ce qu'il manque à Kursk ? D'abord, je crois, des moyens financiers. Les décors, la mise en scène, c'est pas tout à fait ça. On ne se sent pas vraiment dans un super sous-marin, blessé à mort au fond d'une mer arctique, en tout cas c'est mon sentiment (certes très subjectif, puisque je ne suis jamais allé dans un sous-marin... où on est coupé de tout, on n'a, en tout cas en ce temps-là, même pas la radio).
La photographie, c'est pas vraiment ça non plus. Si certaines séquences sont superbement filmées et particulièrement angoissantes, notamment celle où Mikhail et Sasha vont chercher en apnée les cartouches d'oxygène dans un compartiment inondé, d'autres m'ont moins convaincu (par ex. celle où ils grelottent et respirent avec peine, plongés dans la presque obscurité et quasi désespérés, dans un décor ultra-lugubre, à demi-inondé et ruisselant de partout), d'autant plus qu'on sait bien comment ça va se terminer.
Par contre, rien à dire sur la bande son (d'Alexandre Desplat), je l'ai trouvée bonne et adaptée. Idem pour le casting, avec une mention spéciale pour Matthias Schoenaerts, Léa Seydoux, Colin Firth et Matthias Schweighöfer (le jeune marié du début).
Pour revenir au fond même de l'histoire, on peut trouver que Vinterberg reste un peu trop à la surface des choses, ne lui donne pas suffisamment d'éclairage politique. Le pouvait-il ? L'affaire est récente (moins de 20 ans) et son coeur : un secret d'État. Le réalisateur et sa production marchaient donc probablement sur des oeufs. J'ai vu le film en avant-première dans une grande salle d'ordinaire toujours bondée pour ce genre d'événements, or nous n'étions que 20 dans la salle (pour un "blockbuster" de cette envergure ?). Cela ne m'a pas semblé normal.
Conclusion. Je dirai qu'on a quand même un plutôt bon film, qui captive, émeut et fait cogiter, particulièrement sur l'horrible calvaire de ces 23 hommes sacrifiés sur l'autel de la Patrie russe pour sauver les apparences de son excellence technologique et de sa puissance militaire et financière. Oui, malgré certains manques, on est pris par le film, on en sort bouleversé.