Mon existence double de cinéphile et de cinéaste est entièrement dédié au cinéma, je vois le monde en cadre, je réfléchis la vie en image, j'entends des musiques dans ma tête dans les moments forts de ma vie, et je ressens des mouvements d'appareil pour sublimer l'ironie, le tragique, la drôlerie de tous ces moments d'existence. Bref, je ne vis que pour le cinéma, et le film l'Accusé que je me propose de chroniquer aujourd'hui est exactement ce que j'attendais de toute cette suite interrompue de film qui se suivent et se ressemblent fortement.
Il est d'une tristesse absolue qu'une pépite de cet acabit n'ait même pas eu les honneurs d'une sortie en salle quand on pense aux nombres de films pour le moins médiocres et impersonnels qui sortent sans arrêt sur nos écrans, peu importe leur nationalité, chaque nation ayant son lot de médiocrité.
Le film l'Accusé de Oriol Paulo n'est heureusement pas de cela, car force est de constater que parfois la VOD charrie aussi son lot de mauvais films. Mais là il n'en est rien, nous sommes face à ce que je pourrais appeler un chef d'oeuvre total si je n'avais pas peur des mots, et j'assume totalement chacun d'entre eux. Ce film espagnol, une fois de plus, force est encore de constater le génie vient encore et toujours des ibères est un thriller Hitchcokien de magnifique facture avec une ambiance à couper au couteau, un peu comme si Doyle, Christie, Dashiell Hammet ou encore Gaston Leroux s'était fait un crossover de talents pour écrire l'histoire ultime policière du whodunit, tout en renvoyant aux calendes Grecques tout ce qui avait été fait avant.
En partant d'une histoire toute simple qui pourrait même se résumer à un fait divers, un couple illégitime pour éviter un cerf sur une route percute une autre voiture et en tue le conducteur ; le réalisateur et scénariste Oriol Paulo dont c'est ici le deuxième film seulement tisse une histoire incroyablement fascinante de faux semblants. Le couple décide de faire disparaître le corps et la voiture du jeune homme accidenté, mais rattrapé par un maître chanteur, leur vie de rêve et de luxe se trouve menacée.
Je ne ferais pas d'analyse en profondeur du film car il me faudrait pour se faire déflorer l'intrigue, et même si une revision, voir deux ou trois sont possible, la première vision est essentielle pour ressentir la confusion dans laquelle le brillant scénariste et réalisateur souhaite nous plonger et nous entretenir jusqu'au tomber du rideau. Mais en revanche, il est fort possible que j'y revienne trés prochainement dans le cadre d'une analyse plus complète.
Sur une musique trés inspirée de Fernando Velasquez, qui côtoie par instant le sublime du score d'un Bernard Hermman, Oriol Paulo déroule son film comme on exécute une partition de musique, jusqu'à ce que de fil en aiguille, le spectateur comprenne qu'il y a là un contretemps, et que tout ce qu'on lui donne à voir peut aussi avoir son pendant, une autre vision, un autre point de vue. Et c'est ainsi que par points de vues changeant et successifs, le spectateur reconstitue le puzzle petit à petit, pouvant devancer les rebondissements soit par déduction, soit parce que contrairement à son héros, il n'est que spectateur de la cocote minute dans laquelle il est en train de bouillir et non acteur au milieu du pot-au-feu. Il est toujours plus facile de réfléchir quand on est soit-même tranquillement dans son fauteuil, sans agression extérieure, sans sentiments de culpabilités et sans sentiments contradictoires qui s'entremêlent.