Ah, c'est du velouté, pas du genre claque voyante. Ça se suit gentiment à vrai dire, avec un plaisir retenu plaisamment guindé. Pas d'action ni d'extravagance, dialogues non stop, la mise en scène est presque invisible, un petit coup de violon montant puis démarre un autre dialogue. Tout est parfaitement crédible et carré et d'autant plus improbable. Le fameux avertissement qui annonce la véracité des faits jusqu'aux lieux même participe justement pour une fois à crédibiliser ce qui va suivre. Pas de récit fantasmé ou impossible, tout s'enchaîne logiquement par des réactions aussi humaines que vénales et pourtant rien n'y est évident, toujours dilué dans la réalité comme le veut la subtilité du réalisateur. Le "suspense" n'en est que plus solide, mélange de Hitchcock et de Mankiewicz*, de dureté et de douceur. James Mason incarne parfaitement ce mélange. Il est encore une fois et l'air de rien l'intérêt central, discret, glacial et malin mais aussi humain, fragile, défini par ses faiblesses comme il pouvait l'être dans "Jules César" ou "Huit heures de sursis".
Si on s'amuse à comparer ça à un film comme "Jeux Dangereux", c'est forcément beaucoup moins tarabiscoté, beaucoup plus classique. Pourtant, j'ai rarement vu une "guerre d'espions" aller aussi loin dans les extrêmes du contre-espionnage. C'est au sein de ce qui est le plus neutre et loin de la guerre que peuvent circuler les informations les plus sensibles et se dérouler le scénario le plus fortuitement impossible, là où tous les partis sont presque réunis en un même lieu.
Si on s'amuse à comparer ça aux premiers James Bond, c'est simplement une autre planète. Pourtant, il y a bien la femme fatale, l'espion gentleman ou assimilé, le valet, l'ambassadeur et même des méchants, mais aucun n'est une caricature (Ursula Andress nue intégrale wooow ! mm...), tous ne sont que nuances comme Danielle Darieux (Wooooow ! Bis comme dans "La Ronde") elle aussi entre dureté et douceur (comme James Mason, pas comme Ursula). Il y a bien une course poursuite, mais elle n'arrive qu'à la fin, pas en introduction mais quand toutes les ruses, de la plus classique et quotidienne à la plus tordue et risquée, ont été épuisées.
Solide comme du Mankiewicz, ça existe comme expression ?
* Comme le dit si bien Electron que je remercie au passage pour la classieuse proposition. Biloutage, next.