Une loi criminelle
Non, L'affaire Collini n'est pas tirée de faits réels, adaptation du roman éponyme de Ferdinand von Schirach. Mais cette œuvre de fiction, film de procès pour l'essentiel, s'appuie sur un récit...
le 20 nov. 2021
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Certes je ne suis pas expert en droit allemand, MAIS cela ne va pas m empêcher de faire une critique détaillée pour débunker tout ce qui ne va pas d un point de vue du droit, de la procédure pénale et de la philosophie du droit dans ce film.
Le monde du droit fait naître beaucoup de fantasmes, et à son paroxysme se trouve le procès, lieu de débats et de condamnations, où victimes et bourreaux, juges et avocats, se parent de leurs plus belles toges et de leurs plus belles armes pour décider ensemble, l'un contre l'autre, de qui, de quoi, du vertueux, du juste et du bon.
Bon, ça c'est si vous n'êtes jamais allé au tribunal. Et c'est la vision que voudra vous faire entrer le film au forceps dans votre tête.
Fun Fact : la justice ne dit que le droit. Et c'est tout aussi beau, si l'on sait y regarder.
Je suis juriste de formation, j'ai un peu travaillé en cabinet d'avocat l'été, j'ai reçu quelques cours de droit pénal et de procédure pénale, et je suis aujourd'hui Responsable Ethique depuis 5 ans. Donc commençons par le sujet qui m'attère le plus dans ce film (Ah oui, le film : Réal peu inspiré, acteurs bons, musique lacrymale infernale. Now, go débunk), parlons déontologie :
Grand 1) La déontologie d'un avocat
La déontologie est un ensemble de règles et de devoirs qui régissent une profession. Elle est appellée la "science de ce que l'on doit faire" et est exprimée par l'avocat quand il prête serment : « Je jure comme avocat d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ». Donc, comment ça se traduit :
Bon, désormais, on sait que l'on suit quelqu'un qui n'a pas d'éthique, qui s'aventure investigateur chaque fois qu'il couche avec la partie civile et qui ne met pas les intérêts de son client en premier puisque son conflit d'intérêts met toute sa défense en porte-à-faux.
Maintenant parlons, procédure pénale.
Grand 2) La procédure pénale
Y a juste rien qui va :
Clairement, le réalisateur s'est basé sur tous les poncifs possibles du film de procès, en compressant les rôles : de l'avocat-enquêteur à la partie civile-procureur, ainsi qu'en fondant son récit sur des coups de théâtre totalement absurdes. Mais a t'il quelque chose à dire de pertinent sur la justice et sur comment sont prononcés les condamnations ? Nope.
Grand 3) Les messages du film
Au travers de ce meurtrier qui vient se venger, 60 ans après le massacre de son village, en assassinant un papi de 84 ans ex-Waffen SS, on apprend quoi ?
Déjà, l'avocat dit à son client que de la même manière qu'un voleur de pomme, s'il est affamé, sera moins condamné, son client sera moins condamné s'il a des "circonstances atténuantes". Bon courage pour trouver des "circonstance atténuantes" pour un assassinat, prémédité, donc une opération où il a fait toute la démarche consciente d'obtenir une arme et l'adresse de sa cible, pour l'abattre puis le défigurer à coups de pieds.
C'est bien de vouloir dénoncer une loi injuste ou un traitement injuste, mais ici, l'avocat cherche à transformer un procès pour meurtre en procès politique d'une loi. On peut faire un parallèle avec le procès d'O.J Simpsons dont la défense se basait sur le racisme systémique de la police californienne, pour l'innocenter du double meurtre de son ex-femme et son conjoint. Ici, on invoque le passé trouble de l'Allemagne et sa complaisance avec les ex-nazis pour justifier une peine moindre à un assassin. Il n'y a pas de légitime défense, il n'y a pas d'altération du discernement, c'est un adulte conscient de ses actes, qui se venge en tuant. Imaginons qu'il en ait tué 20, comme le nombre de massacrés dans son village. La peine serait toujours moindre ? Imaginons que demain, quelqu'un assassine un gardien de camps de concentration qui n'a pas été jugé. Vous seriez prêt à lui donner une peine moindre ?
Ce film est un hold-up moral et émotionnel, un faux dilemme du tramway où on vous demande de choisir entre 20 morts en 1944 et 1 mort en 2001. Les deux sont tout aussi abjects et méritent d'être condamnés avec la même sévérité.
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Créée
le 21 mai 2022
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